"Les falsificateurs", une saine économie !


Adulé, encensé, le roman qui fait suite aux falsificateurs, les éclaireurs a reçu le prix Télérama-France Culture. J'ai bien peur de souvent démontrer dans ce blog l'inutilité des prix littéraires.

Tout d'abord, pour lire les éclaireurs, il faut débuter par les falsificateurs . Ne sautez pas cette étape, vous rateriez sûrement une expérience littéraire. Pour résumer, il existe une organisation secrète qui se permet de falsifier le réel. Vous avez de l'imagination, une certaine culture générale, un talent de linguiste, vous avez une grande chance d'être recruté, même si vous résidez au fin fond de l'Islande. Et là, dès les débuts, vous avez le droit d'écrire votre premier rapport de falsification, qui punira les dictateurs, les traders, les pollueurs, toutes ces injustices qui rongent notre monde actuel.

Avec ce roman Antoine Bello tient à nous faire croire que le monde est divisé entre les gentils et les méchants, à croire qu'il ne s'est jamais penché sur la complexité des conflits mondiaux qu'il falsifie. Si vous êtes sentimental et niais, vous ferez certainement partie de cette organisation.

L'auteur pourrait proposer une énième théorie du complot pour justifier l'existence des falsificateurs mais il s'en désintéresse. Par contre, Antoine Bello prend son pied à imaginer ces fameux rapports de falsification qui sont aussi excitants à lire que les modes d'emploi de machine à laver. Quand aux protagonistes, leur psychologie égale celle des Playmobils. Alors évidemment, tous les lecteurs veulent savoir à qui profite le crime, quel peut être le dessein final de cette organisme si gentil. Je vous rassure Antoine Bello ne le sait toujours pas lui-même.

Vous allez vous épuiser à lire 500 pages de rapports sur les 600 qui constituent le roman. Cette organisation n'est jamais crédible, les personnages sont sans saveur et à la limite de la caricature. Le vrai talent de Bello est celui d'avoir inventé la littérature administrative !

Aujourd'hui, vous pouvez économiser 8.60 euros, en n'achetant pas les falsificateurs d'Antoine Bello.

"L'homme que l'on prenait pour un autre", de Joël Egloff


Où qu'il aille, quoi qu'il fasse, le héros de Joël Egloff est toujours pris pour un autre. A chaque coin de rue, il devient une autre personne et vit des retrouvailles. Il pourrait s'agacer de ces confusions systématiques. Mais elles le font douter. Ils ont tous l'air si sûrs d'eux quand ils le reconnaissent... Il se laisse finalement convaincre. Leur bonheur ou leur colère ne peuvent pas être feintes. Il comprend bien que son apparence banale lui joue des tours et qu'il doit s'en accommoder, mais jusqu'à quel point, jusqu'à quelle situation dramatique. Les cocasseries s'enchaînent. Ce monsieur Toutlemonde s'adapte, s'enlise, profite. Pourtant, il tente de résister. Chaque jour, il affronte le facteur qui refuse de lui donner son courrier. Ce duel quotidien rythme et dynamise la drôlerie du roman.

Disons-le franchement, vous sourirez plus que rirez à la lecture de ce roman. Malgré la nature candide du personnage, le seul motif de la confusion comme nœud du roman limite la narration. On regrette qu'il n'aille pas au-delà tant sa crédulité aurait pu donner prétexte à d'autres péripéties. Vous vous attacherez rapidement à la naïveté de cet homme que vous avez sûrement croisé une fois dans votre vie. Vous passerez un excellent moment avec cette vieille connaissance. Et puis les romans amusants constituent une denrée trop rare, alors il ne faut pas hésiter à les soutenir.

Joël Egloff quant à lui ne manque jamais d'imagination pour précipiter ses protagonistes dans les situations les plus grotesques. Dans chacun de ses romans, il combat la morosité qui domine le paysage littéraire. N'hésitez pas à relire son précédent et brillant roman, pour lequel il a reçu le prix du livre Inter, L'étourdissement. Vous retrouverez une langue enjouée, le goût pour ces vies banales pimentées par son grain de folie. Bonne lecture.

L'homme que l'on prenait pour un autre de Joël Egloff, 6.50 euros, Pocket.
L'étourdissement de Joël Egloff, 5.50 euros, Folio.

Les grands discours à la Une


La rhétorique est-elle en souffrance ? Les éditeurs s'habillent de militantisme pour défendre le poids des mots. Cicéron n'est pas mort ! Sans remonter jusqu'à lui, pour l'instant, les éditions Points Seuil éditent les grands discours qui ont marqué l'Histoire contemporaine.

Pour 3 euros, et dans un habillage en papier kraft, vous retrouvez l'appel du 18 juin de De Gaulle, le discours d'abolition de la peine de mort de Badinter ainsi que le discours d'investiture d'Obama. Chacun s'accompagne d'un autre discours majeur en écho pour signifier que les grands penseurs s'inscrivent dans une continuité historique et tirent les leçons de leurs prédécesseurs. Et pour parfaire à cette collection, les textes étrangers sont proposés en édition bilingue.

Les éditions Garnier-Flammarion, dans leur jaune poussin nouvelle génération, ne sont pas en reste en éditant tout d'un bloc « les grands discours du XX° siècle » rassemblés par Christophe Boutin enseignant universitaire en droit. Les heures sombres côtoient les heures glorieuses du XXème siècle. Un rappel historique les replace dans le contexte de l'époque.

Ne vous laissez pas influencer par le jaune poussin ou par le papier kraft qui sont les seules fausses notes de ces collections. Pour 3 euros au minimum chez Points Seuil, et 8 euros pour l'édition Garnier-Flammarion, on aurait tort de refuser quelques leçons de rhétorique. Laissez vous enthousiasmer, et découvrez le militant qui est en vous !