"Le boulevard périphérique" d'Henry Bauchau


Recevoir le prix du livre inter à 95 ans est aussi suspect que le Nobel de la Paix pour Barack Obama. Pour certains il est presque trop tôt, alors que pour Bauchau, il était plus que temps de saluer enfin cet auteur belge de génie. Pour les fidèles, préparez-vous à une lecture émouvante. Bauchau ne voile la face à personne, à son âge il est bien temps de nous parler de la mort, en espérant que cela ne prédestine pas trop vite son issue personnelle. Il nous livre un texte franc et intime sur le deuil. Rassurez-vous, ce n'est pas la peine de sortir les mouchoirs. M. Bauchau est un vieux monsieur et un auteur depuis suffisamment longtemps pour éviter les clichés du pathos, et de l'écriture mièvre et gémissante.

Pour se rendre chaque matin au chevet de sa belle-fille Paule, mourante, le narrateur emprunte le périphérique parisien. Pendant ce trajet, lui revient l'émotion du deuil impossible de son ami Stéphane, décédé lors de la seconde guerre mondiale.

A cette époque, ils sont de jeunes hommes. Le narrateur admire Stéphane. Ce jeune homme charismatique le séduit et lui, rapidement, rêve de posséder son assurance et sa beauté. Il se noue entre eux une amitié troublante qui s'achève brutalement avec le décès de Stéphane capturé par l'étrange colonel Shadow de la Gestapo. Jamais le narrateur n'acceptera le décès de ce jeune homme et encore moins à l'heure du décès de Paule.

Au travers de ses deux déchirements Bauchau nous parle des êtres chers que la mort nous arrache et le deuil impossible, quand celle-ci nous laisse sans réponse. Ecrivain pudique, il parle du deuil avec une sensibilité toujours pénétrante et dans une langue de virtuose. Alors il est difficile de ne pas confondre le héros et l'auteur tant ils possèdent de points communs. Tous les deux écrivent, exercent le métier de psychanalystes ont vécu leur jeunesse lors de la seconde guerre mondiale. Sur l'identité de son héros, Bauchau nous laisse dans le doute. Il ne veut pas voler la vedette à son roman.

Prenez garde, les romans d'Henry Bauchau vous habiteront bien après les avoir achevés. Dès la fin du Boulevard Périphérique précipitez-vous sur ses précédents romans et poèmes, la plupart en poche, et ils ne feront que confirmer son talent.

Le Boulevard Périphérique, éditions Babel, 7,50 euros. Prix du livre Inter 2008.

No response to “"Le boulevard périphérique" d'Henry Bauchau”

Enregistrer un commentaire