"Les paupières", de Yoko Ogawa


Pas besoin d'adopter la posture du yogi pour atteindre l'infinie quiétude de l'auteur japonaise Yoko Ogawa. Dès votre première lecture, vous aurez la sensation d'avoir compris toutes les étapes du zen. A l'étrange comme au tragique, elle appose son écriture en onguent, apaisant toute douleur. Sa sérénité inébranlable devient rapidement contagieuse.

Dans son recueil de nouvelles, Les paupières, elle réanime notre sensibilité et notre aptitude au rêve. La première nouvelle, c'est difficile de dormir en avion, suffit à vous initier. Lors d'un vol, une femme sur le point de s'assoupir, discute à contre cœur avec son voisin. Finalement la narration sur le rythme de la conversation s'installe dans un état de semi sommeil. Le passager revient sur une autre rencontre également dans un avion. Ogawa sème le trouble. Qui raconte ? Dans quel avion sommes-nous ? Il devient difficile de distinguer les histoires et leurs interlocuteurs. Désorientés, le récit d'une vieille femme venue retrouver un amour épistolaire prend le dessus et paraît tangible. Pour Ogawa la réalité à peu d'importance, l'échange qu'occasionne la rencontre devient le seul élément qui mérite l'attention de son écriture. Les lieux, les époques sont artificiels. Les sens et l'intuition sont les seuls repères fiables laissés au lecteur comme aux protagonistes.

L'incongruité domine son recueil. Son écriture dépouillée et hypersensible ajoute à l'atmosphère singulière de ses nouvelles. Il suffit de lire leurs intitulés, Les Ovaires de la poétesse, L'art de cultiver les légumes chinois ou encore une collection d'odeurs, pour se surprendre. Les issus de chaque rencontre, totalement imprévisibles, termineront de vous déconcerter tout en douceur.

Les paupières, de Yoko Ogawa, éditions Actes Sud, 7,50 euros, 206 pages.

Pour les amateurs de littérature asiatique, je vous renvoie au Supplice du santal, de Mo Yan.

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