"Petit manuel du parfait aventurier", de Pierre Mac Orlan



Pierre Mac Orlan se fait un devoir de nous mettre en garde : « Les livres d'aventure sont dangereux ». L'aventure ne s'adresse qu'aux écervelés, aux dépravés, ou à ceux qui ont déjà tout perdu. Un homme digne de ce nom, et aussi courageux soit-il, ne doit pas se compromettre dans d'absurdes expéditions qui feront sa ruine, à tous les égards. Pierre Mac Orlan est formel, un aventurier doit sa gloire à sa bibliothèque, son génie et sa fortune qu'il ne dilapide pas dans des voyages déraisonnables : un Jules Verne.

Je comprends, votre immense déception d'apprendre que Jules Verne était un redoutable casanier. Il ne vous reste plus qu'à faire le deuil de vos écrivains voyageurs préférés. Dorénavant méfiez-vous de ces beaux parleurs. Vérifiez leurs sources. Jules Verne comme d'autres ne voyagèrent jamais, sauf de leur bibliothèque à leur table de travail. Pierre Mac Orlan soutient ce mode de vie sain qui assure à son écrivain voyageur la postérité, contrairement aux explorateurs, qui périront rapidement, d'une maladie absurde et redoutable. « Les aventuriers passifs meurent comme tout le monde dans leur lit, sur la voie publique, ou à l'hôpital. ». Enfin l'aventurier passif réalise sa fortune aux dépends de l'aventurier actif, qui de toute façon est trop sot pour s'enrichir.

Dans une langue raffinée, volontairement ampoulée, Mac Orlan évoque toutes les subtilités pour devenir cet aventurier passif. Il excelle lorsqu'il s'assure de freiner en nous tout désir d'expédition, dépeignant de la manière la plus épouvantable, la vie de l'aventurier passif. Ce guide est hilarant.

Écrit en 1920, Pierre Mac Orlan n'a pu nous prévenir des risques des vols long-courriers, des jungles urbaines, et des virus mutants, qui grâce à la mondialisation se propagent à vitesse grand V. Il s'enthousiasmerait d'internet qui favorise notre inertie, en offrant une matière infinie à l'écriture de romans d'aventure.

Sillage réédite cet essai piquant sur les joies de l'immobilité, et aime nous faire redécouvrir de petits textes tombés dans l'oubli, qui face à notre modernité prennent une tonalité nouvelle.

Allumez votre cheminée, installez vous dans votre canapé et surtout n'en bougez plus avant d'avoir lu tous les livres, et fait le plus grand des voyages.


Petit manuel du parfait aventurier, de Pierre Mac Orlan, éditions Sillage, 76 pages, 7,50 pages.

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