"Sur la plage de Chesil" de Ian McEwan


Dans les mariages britanniques, les mariés s'échappent toujours de leur soirée pour se retrouver enfin seuls et profiter de leur nuit de noce. Tout le monde le sait grâce à Quatre mariages et enterrement. Les époux, Edward et Florence dînent dans une suite nuptiale d'un hôtel luxueux face à la plage, et attendent chacun avec des appréhensions différentes leur première nuit de noce.

La libération sexuelle n'a pas encore eu lieu, il semble même que l'Angleterre puritaine ne soit pas si loin, quand Florence et Edward s'apprêtent à vivre leur premiers émois. Sur la plage de Chesil raconte cette nuit symbolique et pleine de promesses pour ce jeune couple encore vierge. Ian McEwan ravive les souvenirs de leur rencontre, leurs itinéraires personnels qui ne pouvaient que devenir commun. Pourtant à l'heure de passer à l'acte, Florence redoute la pénétration et ses conséquences sur une liberté durement acquise. Edward, fébrile et enthousiaste, s'impatiente.

Sans fard, Ian McEwan décrypte cette jeunesse encore prisonnière de ses convenances, méconnaissant tout des relations sexuelles et de la vie de couple, mariés seulement après quelques flirts pudiques. Cette première nuit d'intimité détermine leur vie entière, leur engagement alors définitif. Florence et Edward incarnent la jeunesse anglaise de Ian McEwan. Avec délicatesse, il dépeint leur timidité, leurs espérances pourtant incapables d'échapper au conformisme.

Un roman touchant.

Sur la plage de Chesil, Ian McEwan, éditions Folio, 177 pages, 6,10 euros.

Si vous avez été sensible à cette histoire, vous apprécierez autant Le garçon de la lune de Kate O'Riordan


Et l'iPad fût !


Le prêche de Steve Jobs, président d'Apple vient d'avoir lieu. Pas de streaming vidéo possible pour suivre en direct l'évènement. Pour assister à la grand messe il fallait y être !

Après une introduction d'autosatisfaction, Steve Jobs dévoile sa tablette assis dans un fauteuil. L'iPad est un écran plat avec un clavier tactile géant. Comme attendu vous pourrez évidemment lire dans un format confortable, mais pas seulement. Vous gérerez vos contacts, regarderez des films, écouterez de la musique, organiserez vos photos et que sais-je encore. Les fonctions tactiles sont bluffantes. Dans un jeu vidéo, vous pouvez ouvrir une porte , désigner une cible avec vos doigts. C'est bien une fusion entre les fonctionnalités d'un Mac et celles d'un iPhone.

Steve Jobs a finalement dévoilé son iBooks store ou librairie virtuelle, associé avec les grandes maisons d'édition, Harper et collins, Penguin et Hachette books, entre autres. Les étagères virtuelles sont déjà remplies. Et comme on peut l'imaginer, il suffit de toucher l'écran pour tourner les pages, agrandir la page... Les autres readers sont ils condamnés ? A évoluer rapidement.

Bien sûr ce n'est pas gratuit : 356 euros pour le moins cher, et encore il n'a pas la 3G, seulement le wifi. Envisagez au moins 448 euros pour pouvoir vous connecter où vous le souhaitez et au maximum, 590 euros Vous pouvez commencer à économiser !

Une fois de plus tout ce que permet l'iPad paraît évident et pourtant à ce jour Apple est le seul à le proposer....

Retrouvez les images et la présentation sur AppleStore

iPhoneurs, foncez dans votre Appstore


En téléchargeant l'application pour iPhone de l'éditeur Le Diable Vauvert, ce dernier vous offre, pour une durée limitée, le dernier roman de Douglas Coupland, Jpod !!!

Si vous ne réalisez pas encore quel esclave virtuel vous êtes devenu, lisez Jpod, ou le portrait de six geeks plus préoccupés par leurs dernières applications futiles pour surfer sur la toile, que par leur job. Je sens que beaucoup d'entre-vous rougissent en se reconnaissant dans cette brève évocation.

Assumez votre addiction à votre smart-phone et téléchargez cette nouvelle application, qui en plus de vous offrir un roman, vous informera de l'actualité de cet éditeur diaboliquement génial !

Pour les amateurs de papier, Jpod existe en format papier :
JPod, de Douglas Coupland, éditions le Diable Vauvert, 521 pages, 22 euros

Parce que j'ai reçu mon bon de vaccination...


Les centres de vaccination ferment le 30 janvier pour ouvrir en annexe des hôpitaux.

Que faire ?

Relire des polars de Robin Cook, médecin diplômé de Harvard et auteur américain de thrillers médicaux. Il imagine des scénarios catastrophes crédibles, où les méchants sont de diaboliques virus. Alors parce qu'H1N1 a quitté notre joli territoire, je préfère envisager le pire à son retour grâce à Robin Cook, j'hésite entre Invasion, Contagion, Mutation, Manipulations, Cure fatale, Phase terminale.... Une vraie saga H1N1. Finalement je jette mon dévolu sur Morts accidentelles, mon bon de vaccination fera office de marque-page !

Attention "les gestes de chacun font la santé de tous" dixit Roselyne Bachelot. Enfermez-vous avec un polar !

Les polars de Robin Cook pour affronter H1N1 :
Invasion, éditions du Livre de poche, 381 pages, 6 euros.
Contagion, éditions du Livre de poche, 475 pages, 6,50 euros.
Mutation, éditions Pocket, 312 pages, indisponible à l'état neuf, pensez à vos bouquinistes ou médiathèques.
Manipulations, éditions du Livre de Poche, 318 pages, indisponible à l'état neuf, pensez à vos bouquinistes ou médiathèques.
Cure Fatale, édition du Livre de poche, 509 pages, 6,95 euros.
Phase terminale, éditions du Livre de poche, 474 pages, 6,50 euros.
Morts accidentelles, éditions Albin Michel, pas encore en poche !

Apple arrive avec son joujou pour la lecture. Tremblez !


Le 27 janvier le Bebook, le Reader, le Kindle, l'Alex et autres liseuses, vont trembler et foncer à la grand messe Apple. Amazon tente de riposter en proposant de reverser 70% aux auteurs et éditeurs qui les rejoindront sur leur plateforme de vente à partir du 30 juin (article détaillé sur le blog ebouquin). Mais attention avec la pomme croquée l'ère de l'ORTF et du cinéma muet en noir et blanc vont s'achever. Apple arrive avec son iPhone géant, doté du son et de l'image couleur,et prénommé iSlate. Waouhhh !!!

Ce nouveau joujou devrait être mis en vente pour le mois de mars. En véritables généticiens, les ingénieurs de chez Apple, ont tenté une greffe d'iPhone, leur smartphone, sur leur Mac, leur ordinateur. Résultat, une tablette au format livre, dite iSlate ou iGuide, dont l'utilisation ne se limitera pas à la lecture, à l'opposé de bon nombre de ses confrères.

Apple semble le seul à savoir que le cerveau est divisé en deux hémisphères et que nous sommes en capacité de les faire fonctionner de concert. Le tout couplé à un usage aigüe du numérique, nous a appris à gérer plusieurs informations en même temps. Donc, contrairement à ses petits copains, l'iSlate, nous permettra, entre autre chose, d'écouter de la musique, de surfer sur le web, de lire et d'utiliser de nombreuses applications utiles ou ludiques, et tout ça avec l'ergonomie Apple et sa tablette tactile pour que nous posions nos doigts sales sur son écran. Quelle jubilation !

Évidemment, il faut attendre la grand messe du 27 janvier pour que se révèle à nous toute la magie de ce nouveau joujou Apple. Peu d'informations filtrent. Son talent pour le secret suffit à aiguiser notre curiosité et à faire de ses conférences des évènements incontournables. L'autre génie d'Apple : créer une dépendance. Tout utilisateur d'iPhone, iPod, iPatate, iLapin, devient un converti qui peut à son tour prêcher la bonne parole. Les amoureux de la pomme croquée sont nombreux à être de redoutables prêcheurs. Les succès de l'iPod puis de l'iPhone ont grossi les rangs de cette église numérique, et annonce d'emblée le succès de l'iSlate auprès des aficionados.

Apple continue donc sa croisade. Attention le serpent quitte une fois de plus son repère pour nous tendre sa pomme. Allez vous mordre au fruit défendu ?

Présentation de l'iSlate et des nouveautés de chez Apple le 27 janvier !!! A suivre...

Pour plus d'infos sur les ebooks, précipitez-vous sur l'excellent blog ebouquin.

"Spin", de Robert Charles Wilson


Et si les étoiles disparaissaient ?

Jason, Diane, frère et sœur, accompagnés de Tyler, leur ami d'enfance, fils de leur gouvernante, observent la voute céleste quand celle-ci bascule instantanément dans le noir absolu. Quelle vision plus terrifiante et palpable pour chacun de nous. Ne vous sentez-vous pas orphelins, privés de votre voie lactée, de la grande ourse, et de l'étoile du berger ? Si seulement elles ne disparaissaient que pour une seule nuit. La suivante et toutes celles d'après, la nuit ne retrouvera pas ses innombrables lumières et plongera la Terre entière dans le noir absolu.

Quelle idée !!! Robert Charles Wilson a tout compris. Un bon roman, ne nécessite pas une construction abracadabrante, il faut avant tout une idée simple, universelle, familière à chacun de nous. Dès les premières pages vous vous sentirez orphelins, et partageraient les angoisses et émotions de nos trois jeunes gens, sans pouvoir percevoir l'issue de ce roman. Tout le génie de l'auteur peut désormais se déployer, car son inventivité est époustouflante. Il maintient le réalisme de la situation en imaginant les bouleversements géopolitiques et spirituels que provoquerait une telle disparition. Tout en questionnant l'homme face à ses peurs ancestrales, il développe une inventivité scientifique toujours compréhensible, crédible et sans limites.

Robert Charles Wilson a reçu le prix Hugo, la plus haute récompense pour les littératures de l'imaginaire, en 2006 pour Spin. Il le mérite largement, mais ne tient pas compte des nuits blanches que vous allez passer auprès de Jason, Tyler et Diane pour découvrir ce que cache ce ciel opaque.

Renversant !

Spin, de Robert Charles Wilson, éditions Folio, 624 pages, 8,20 euros.

Quelques polars pour passer l'hiver.


Au Livre de poche c'est la crise d'otages. Pour ceux qui cherchent du polar ricain efficace, à dévorer en quelques heures, James Patterson vous correspond. Vous apprécierez son talent pour le rebondissement et son "méchant" toujours cynique. Pour ceux qui préfèrent les intrigues totalitaires sur fond de Tchernobyl, Maud Tabachnik, sans concessions ni rédemptions, assombrira immédiatement l'âme humaine et vos humeurs sous son ciel de cendres. Mais si vous préférez que ce soit l'humour et non les retombées nucléaires qui soient corrosives, La trilogie berlinoise de Philip Kerr, vous glacera de délice et d'effroi. En trois années emblématiques, Bernie Gunther enquête à son compte sous le régime inquiétant et obscur du troisième Reich.

Pour débuter l'année, Rivages privilégie les rééditions. Les mordus du hart-boiled, se régaleront avec Ceux de la nuit de David Goodis. Pour les inconditionnels du polar victorien, qui aiment les enquêtes subtilement échafaudées et écrites avec tout le charme de la langue anglaise, John Dickson Carr mettra vos compétences de détective à rudes épreuves avec cet inédit, Les nouveaux mystères d'Udolpho.

Mais les rééditions les plus attendues seront celles de Sjöwall et Walhöö, auteurs suédois, aux noms imprononçables, déterrés grâce aux succès des Millénium et autres Mankell. Leur cycle de 10 volumes s'achève enfin. Les enquêtes du commissaire Beck jettent les bases du polar nordique aujourd'hui incontournable. Leur police enquête avec minutie et dans le plus grand réalisme. Comme le fera Stieg Larsson après eux, le cycle de Sjöwall et Walhöö met à nu la société suédoise et ses dysfonctionnements. Il devient bientôt difficile de considérer le crime seul sans tenir compte de la dénonciation du modèle suédois. Les protagonistes interrogent, se questionnent, et évoluent tout au long du cycle. Sjöwall et Walhöö ne laissent rien au hasard.

Voilà quelques suggestions si la température remonte mais que vous souhaitez vous glacer les sangs !

Aux éditions du Livre de poche:
Crise d'otages, de James Patterson, 347 pages, 6,95 euros.
Ciel de cendres, de Maud Tabachnik, 6,50 euros, à paraître le 20 janvier.
La trilogie berlinoise, de Philip Kerr, 1015 pages, 9 euros.

Aux éditions Rivages :
Ceux de la nuit, David Goodis, 336 pages, 9 euros, à paraître le 20 janvier.
Les nouveaux mystères d'Udolpho, John Dickson Karr, 416 pages, 10,50 euros.

Le cycle du commissaire Beck, de Sjöwall et Wahlöö, éditions Rivages :
Roseanna, 320 pages, 9 euros.
L'homme qui partit en fumée, 272 pages, 8,50 euros.
L'homme au balcon, 272 pages, 8,50 euros.
Le policier qui rit, 336 pages, 9 euros
La voiture de pompiers disparue, 336 pages, 9 euros.
Meurtre au Savoy, 320 pages, 9 euros.
L'abominable homme de Shäffle, 288 pages, 8,50 euros.
La chambre close, 416 pages, 9 euros.
L'assassin de l'agent de police, Sjöwall et Wahlöö, éditions Rivages, à paraître le 10 février.
Les terroristes, Sjöwall, éditions Rivages, à paraître le 10 février.

Si vous n'avez pas assez à lire je vous renvoie à cette sélection de polars nordiques : Le père noël est vraiment une ordure.

2010, année du livre numérique ?


Que d'avis sur le numérique cette semaine. 2010 sera l'année du livre numérique. Petit retour sur la semaine écoulée.

Tout d'abord deux rapports. Le rapport Zelnik, comme Zorro, veut sauver le soldat éditeur. Il préconise une TVA réduite pour les œuvres numériques et veut préserver la loi du prix unique, dite Loi Lang, en confiant à l'éditeur la responsabilité de fixer le prix du livre numérique, dit" "homothétique" (c’est-à-dire reproduisant à l’identique l’information contenue dans le livre imprimé, tout en admettant certains enrichissements comme un moteur de recherche interne, par exemple)". Ce joli terme est l'arbre qui cache la forêt, et François Bon, écrivain et geek, l'a bien compris. Zorro and Co. ne s'intéressent pas à la création numérique, ainsi tous les éditeurs exclusivement numériques se voient lésés et exclus de ces propositions, puisque le livre "homothétique," avant d'être numérique doit préalablement être imprimé. Une fois de plus les dents grincent et le rapport Zelnik vient de nous offrir un rapport creux, juste un copié collé de la Loi Lang.

Dans la foulée, le rapport Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit, apporte ses conclusions sur l'avenir des bibliothèques et du projet Gallica, face à l'adverse de Nicolas, le gros Google. Un match d'emblée inégal, puisque Google-Livres propose 10 Millions d'ouvrages numérisés, contre 1 million pour Gallica. Après un tel constat, le rapport s'interroge plus sur les modalités d'un partenariat avec Google. Le rapport ouvre ainsi des pistes de réflexion censées : repenser le partenariat trop contraignant avec Google, une amélioration de Gallica grâce au grand emprunt, que F.Mitterand veut rebaptiser (il devrait demander à Zelnik and Co.), et pour terminer, relancer l'effort européen pour une numérisation de concert autour du portail Europeana.

Enfin, les principaux acteurs de la vente de livres , le Syndicat de la Librairie Française (SLF) et le Syndicat des Distributeurs de Loisirs Culturels (SDLC), se sont mis d'accord pour la création d'une plateforme interprofessionnelle du livre numérique, pour centraliser l'offre des éditeurs.

En résumé, 2010 sera l'année des plateformes, des portails de vente de livres, en espérant qu'il reste de la place pour la création numérique, le livre ouvert comme l'imaginait Mallarmé...

A suivre.

"Les Années", d'Annie Ernaux


Ne vous y trompez pas le roman d'Annie Ernaux n'est pas directement inspiré de L'art des listes de Dominique Loreau, best-seller du développement personnel. Annie Ernaux énumère avec subtilité les évènements marquants de la femme du vingtième siècle. Elle ne s'encombre pas d'une chronologie. Elle restitue les véritables âges de notre existence, et les souvenirs qui leur correspondent. Les évènements et non les dates construisent notre identité. Interrogez vos propres souvenirs. De quoi vous souvenez-vous ? Une photo, une musique, un livre, une madeleine ravivent le passé. Un souvenir en amène un suivant et ainsi de suite. L'intime occupe donc le premier plan des Années, l'Histoire n'en constituant que l'arrière-plan. Annie Ernaux excelle dans sa restitution des âges majeurs de notre existence. A travers ses propres souvenirs, ceux de ses aïeules, et de ses successeurs, elle écrit une autobiographie inédite, à la fois intime et collective. A vous d'y déceler son itinéraire et d'y retrouver le vôtre.

Déjà, j'en entend quelques uns se sentant évincés. Évidemment les messieurs ont leur place. Annie Ernaux ne renie pas des siècles de cohabitation plus ou moins réussies. Elle et On, protagonistes des Années, partagent et traversent le siècle ensemble.

Mais alors quel regard ! aucune compassion, aucune nostalgie mièvre. Elle dépeint chaque période avec la même acuité, et la même vivacité critique et intellectuelle. Comme elle libère sa parole, elle libère la narration de ses chapitres, de sa ponctuation, et les remplacent par une succession de fragments. Le fil de notre existence ne s'interrompt jamais sauf à notre mort.

Plus personnellement, les premières pages de l'ouvrage ne m'avaient pas interpelées. Ce n'était pas ma génération. Au fur et à mesure, j'ai été saisie par l'écriture franche, élégante et pertinente d'Annie Ernaux, pour être finalement conquise. Les derniers fragments, à l'âge de la vieillesse sont sûrement les plus poignants, les plus sévères tant son regard se veut désenchanté et lucide. Homme ou femme, jeune ou vieux, dans ce roman social, votre âge est présent tôt ou tard.

Alors c'est bien simple. Depuis quelques années l'exercice de l'autobiographie s'impose à chacun. Politiciens, chanteurs, footballeurs, toute trace de célébrité est prétexte à l'exercice. Annie Ernaux balaye de son élégance littéraire toute ces rédactions de seconde zone. Et si comme moi, les premières pages ne vous conquièrent pas immédiatement, ouvrez le livre où vous le souhaitez, trouvez votre histoire. Ne l'achevez même pas, vous y reviendrez tôt ou tard, comme face à votre miroir.

"Ce que ce monde a imprimé en elle et ses contemporains, elle s'en servira pour reconstituer un temps commun, celui qui a glissé d'il y a si longtemps à aujourd'hui - pour, en retrouvant la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, rendre la dimension vécue de l'Histoire". CQFD.

Incontournable.

Les Années,d'Annie Ernaux, éditions Folio, 253 pages, 6,60 euros.

Si vous aimez, un autre roman intime, humble et savamment écrit Le boulevard périphérique, d'Henry Bauchau.

"L'ombre du bourreau" de Gene Wolfe


Chers lecteurs, sortons des sentiers battus. Pour beaucoup, la fantasy se limite à Tolkien ou Harry Potter, d'autres sont déjà de véritables aficionados du genre. L'ombre du bourreau, s'adresse à vous tous. Folio se décide enfin à faire paraître le cycle, de 6 tomes, en format poche. Une telle parution ne se rate pas.

Avec un titre pareil, vous vous attendez à un roman violent, des giclées de sang à chaque page, et la couverture belliqueuse, choisie par Folio, annonce la couleur.... ils n'ont pas du lire le roman. Sévérian écrit ses mémoires pour raconter son existence à l'ombre de sa charge de bourreau. Ce premier tome, le livre du nouveau soleil, revient sur son initiation. Sévérian, n'est pour l'instant qu'un apprenti bourreau, enfermé depuis son enfance dans la tour Malachie. Sa vie se résume à son apprentissage. Jamais ses origines et celles de ses compagnons ne doivent leur être révélées. La guilde des bourreaux les a éduqués et nourris, elle constitue, dès lors, leur seule famille, leur seul référent et leur unique loi. Quand l'heure du choix arrive, être ou ne pas être bourreau, impossible pour Sévérian et les autres de renoncer, se serait se renier. Pourtant, lors d'une escapade nocturne avec ses compagnons, sans le savoir, Sévérian prête secours à l'ennemi du pouvoir. L'apprenti bourreau fait preuve d'humanité, et viole une des lois de sa guilde. Le doute s'installe, Sévérian ne sait pas encore qu'il vient de précipiter sa destinée. Un jeune bourreau qui ne côtoie et n'incarne que la mort, peut-il aspirer à la vie ?

Quelle audace de la part de Gene Wolfe, d'interroger la Mort sur son humanité. La mort constitue un élément omniprésent de la fantasy, genre longtemps viril et belliqueux. Le bourreau y incarne à ce titre la figure emblématique de la sauvagerie. Gene Wolfe, prend le contrepied de la fantasy et de tous ses antihéros avides de vengeance et de combats, tel Conan le Barbare. Les adeptes de la fantasy revancharde vont être déçus. Ce premier tome manque d'hémoglobine, et son rythme est même extraordinairement lent. Les impatients lâcheront vite prise. J'invite tout le monde à tenir bon, l'inventivité et l'originalité de cette œuvre vaut vraiment le détour. L'ombre du bourreau constitue l'un des cycles les plus ambitieux des littératures de l'imaginaire, et ose, dans la suite des aventures de Sévérian, la rencontre de la fantasy et de la SF. Le tome II est déjà disponible, et les autres ne devraient plus tarder.

Bonne découverte !

Le cycle de L'ombre du Bourreau de Gene Wolfe, éditions Folio :
- Le Livre du Nouveau Soleil, I, 7,60 euros, 468 pages.
- La griffe du demi-dieu, II, 7,70 euros, 445 pages, prix Nebula en 1981.
- L'épée du licteur, III, à paraître le 14 janvier 2010.
- La citadelle de l'Autarque, IV, à paraître le 4 mars 2010.
- La château de la Loutre, V, à paraître.
- Le nouveau soleil de Teur, VI, à paraître.

"Le garçon dans la lune", de Kate O'Riordan


Kate O'Riordan, débute son roman avec difficultés. Elle s'étend sur d'inutiles descriptions émotionnelles, et le manque d'envergure de son écriture en découragera plus d'un. Pourtant l'arrivée du drame, qui séparera le couple de Brian et de Julia, apporte son équilibre à la narration. Les émotions trouvent leur place au cœur de la trame. Et l'installation de Julia chez son beau-père Jérémiah, en Irlande, donne toute son épaisseur au drame. L'intrigue se noue dans cette relation opaque, alors qu'en Angleterre Brian sombre dans son propre désastre, et va à son tour trouver un soutien inattendu auprès de sa belle-famille.

Julia abandonne sa douleur à la rudesse des travaux agricoles, et tente d'abandonner son humanité à l'image de Jérémiah. Intriguée par une telle hostilité, son propre drame ne risque-t-il pas d'exhumer une tragédie familiale encore plus effrayante ?

Malgré la persistance de clichés, Kate O'Riordan sauve son roman grâce à un suspense habile et son absence de compassion. La rudesse du décor alliée à celle de Jérémiah compense toute irruption de niaiserie. Sur les hauteurs des falaises irlandaises, l'on se prend finalement au jeu et cherchons à percer le mystère de cet homme terrifiant.

Le garçon dans la lune, Kate O'Riordan, éditions Folio, 351 pages, 7,10 euros.

Pour les amateurs de romans irlandais je vous renvoie à l'article sur Mon traître, de Sorj Chalandon.


Bonne Année et nouveautés !!!


L'année 2010 débute et son lot de bonnes nouvelles en poche aussi !

Pour Folio, des romans très attendus arrivent en petit format, comme Les Années d'Annie Ernaux, déjà incontournable, La meilleure part des Hommes de Tristan Garcia, un premier roman bluffant, Spin de Robert Charles Wilson, l'un des ouvrages de SF les plus marquants de ces 10 dernières années et Déjeuner de Famille de John Cheever, un regard corrosif et déjanté sur les familles américaines.

Au Livre de poche, un titre risque de tous les écraser. Après 10 années d'attente, le harcèlement de son éditeur et de ses lecteurs, Ken Follet se décide enfin à écrire une suite aux piliers de la terre, Un monde sans fin, qui paraît en poche ce mois de janvier. La cathédrale Kingsbride, héroïne des piliers de la terre, connaît sa première restauration deux siècles plus tard. Ken Follet nous régale de nouveau de ses descriptions architecturales, de sa peinture de la vie au Moyen-Age, sans oublier un nouvel ingrédient pour clôre cette fresque médiévale : un soupçon de peste noire au bas des remparts.

Les éditions Actes sud, misent encore sur Claudie Gallay, qui depuis son succès mérité pour Les Déferlantes ( pas encore en poche ), voit ses premiers romans passer en poche. Avec mon amour, ma vie, elle fait le portrait du dernier né d'une famille de saltimbanque dont le chapiteau a perdu ses couleurs et le goût du voyage. Prisonnier de la nostalgie des adultes, Dan se réfugie dans ses propres rêves et l'espoir de voir un jour la mer. Mon amour, ma vie paraît en même temps que le dernier et décevant Alice Ferney, Paradis conjugual. Ne vous trompez-pas en choisisant votre babel.

Après ces premières recommandations, je vous souhaite une bonne santé littéraire, une année riche en petit format et toujours plus de lectures au fond de vos poches !!!!

Aux éditions Folio :
Les Années, d'Annie Ernaux, 256 pages, 6,60 euros. A partir du 14 janvier.
La meilleure part des hommes, de Tristan Garcia, 368 pages, 6,60 euros. A partir du 14 janvier.
Spin, de Robert Charles Wilson, 624 pages, 8,20 euros. A partir du 21 janvier.
Déjeuner de famille, de John Cheever, 416 pages, 7,70 euros. A partir du 14 janvier.

Aux éditions du Livre de poche :
Les piliers de la terre, de Ken Follet,1056 pages, 10 euros.
Un Monde sans fin, de Ken Follet, 11,50 euros. A partir du 6 janvier.

Aux éditions Babel :
Mon amour, ma vie, de Claudie Gallay, 304 pages, 8,50 euros.
Paradis conjugual, d'Alice Ferney, à éviter.