Et si vendre des livres et des frigos était le même métier !


Quand une brèche s'ouvre tout le monde s'y engouffre. Le livre numérique semble résonner comme un nouvel eldorado pour les vendeurs de tout poil, alors ne soyez pas surpris si demain en achetant un frigidaire on vous propose à côté de votre distributeur de glaçons, une borne de téléchargement de livres numériques. Je grossis évidemment le trait, mais aujourd'hui Darty annonce le lancement de sa plateforme de vente de livres numériques. Soyons clair les ventes de livres numériques vont exploser à la fête des mères, quand avec la centrale vapeur, à laquelle belle-maman ne rêvait pas, vous pourrez ajouter le dernier roman de Michel Houellebecq qui émancipera la ménagère de moins de 50 ans qu'elle était devenue ou finira de tuer tout espoir d'avoir un cadeau digne.

Évidemment pour les plus casaniers, comme en supermarché, Carrefour et Leclerc pensent à vous et occupent aussi le marché de la vente en ligne de livres. Maintenant vous pourrez acheter votre kilo de patates avec le dernier Nothomb, que vous pourrez passer à l'économe et déguster en friture, quand vous essaierez de rentrer vos pommes de terre dans votre iPad le soir au lit. Comprenez bien, Carrefour ne vend pas de livres mais des "promos livres" sur leur site, à hauteur de 5% comme le pratiquent tous leurs concurrents libraires ou vendeurs en ligne, puisque le livre est à prix unique en France, autorisant une remise plafonnée de 5% (on ne le rappellera jamais assez). Leclerc de leur côté n'ont pas encore sortie leur site de ventes en ligne mais ne manqueront pas de nous faire croire également que le livre est moins cher chez eux, alors qu'ils appliqueront la même remise !

Amazon eux préfèrent se dire qu'un lecteur bien chaussé est un bon lecteur, et vont ainsi étendre leur offre à des produits non culturels en commençant par la chaussure.

Pour les puristes qui ne se sentent pas encore de confier leurs choix littéraires à une friteuse, je vous invite à participer à l'initiative du Bélial, éditeur de Science-fiction, qui pour lancer sa plateforme vous invite à fixer le prix de vente de deux livres numériques (attention elle se termine le 31 août). Initiative intéressante qui rappelle celle de Radiohead, lorsqu'ils laissèrent à leurs acheteurs la liberté de fixer le prix souhaité pour leur album.

Zone, de Mathias Enard.


Remisez votre paréo, la rentrée littéraire du livre de poche va s'avérer vertigineuse. Zone n'est pas de ces lectures aisées, dilettantes. Mathias Enard vous impose ses conditions et vous ne pourrez y échapper. Une phrase, une unique phrase constitue le roman. Pourtant rapidement vous trouverez votre souffle, grâce aux virgules, au rythme naturel de l'écriture et aux chapitres. Mais un chapitre se lit d'une traite, d'une inspiration. Ne vous arrêtez pas en plein milieu, car pour reprendre il vous faudra repartir à son début.

Une unique phrase pour un homme multiple. Le héros, homme de l'Europe, a traversé la fin du siècle et ses déchirements. Il est temps pour lui de rentrer au pays. Alors sur le trajet du retour il nous entraîne dans cette Europe d'aujourd'hui, ses guerres, ses vies et tentent de renouer avant tout avec lui-même. Brisé, il cherche à se reconstruire. Alors quand on accorde son souffle sur celui du monologue intérieur de ce nouvel Ulysse, l'itinéraire du retour devient vite haletant, sinon obsédant. Zone est bien une expérience de lecture, et une remise en question du lecteur que nous sommes. Comme son héros accepter de vous égarer pour mieux retrouver vos sensations de lecture. Après cela vous pourrez affronter la rentrée littéraire comme un homme neuf.

Rappelons que Zone a eu le prix du livre inter, prix remis par des lecteurs en 2008.

Zone, Mathias Enard, éditions Babel, 516 pages, 10,50 euros.