"Tête de chien" de Morten Ramsland. Attention humour corrosif !


A croire que les auteurs nordiques ont bouffé de la vache enragée. Tête de chien, du danois Morten Ramsland est un roman halluciné et hallucinant relevé d'un humour à couper au couteau, qui rappelle par sa fantaisie et son goût de la farce celui de son confrère Paasilina, auteur de Petits suicides entre amis.

La famille de Tête de chien, surnom intrigant du grand-père, accumule les destins foireux d'une génération à l'autre, pour le plus grand bonheur du lecteur. Des plus vieux aux plus jeunes ils tentent tous d'échapper à leur existence médiocre, mais n'ont que leur propre médiocrité pour y arriver. Je vous laisserai bien imaginer le résultat, seulement l'imagination et le talent de Morten Ramsland se révèlent inégalables autant qu'inépuisables. Mystique, grotesque, exaltant et parfois à la limite de la nausée, Tête de Chien est étourdissant et terriblement corrosif. Les amateurs de Tristan Egolff auteur du génial et furieux Seigneur des porcheries, ne s'y tromperont pas.

Tête de chien, de Morten Ramsland, éditions Folio, 465 pages, 7,70 euros.
Petits suicides entre amis, d'Arto Paasilinna, éditions Folio, 291 pages, 7,10 euros.
Le seigneur des porcheries, de Tristan Egolff, éditions Folio, 606 pages, 7,70 euros.


Si vous aimez les romans audacieux et destabilisants, lisez l'article sur Le supplice du Santal, de Mo Yan

"La reine des lectrices" d'Alan Bennett


Que deviendrait le Royaume-Uni si sa Reine devenait une dévoreuse de livres ?

C'est ce que s'amuse à imaginer Alan Bennett dans La Reine des lectrices. Après une promenade dans le parc de Westminster, les chiens royaux échappent à leur maîtresse, la Reine. Heureusement, elle les retrouve derrière le château aboyant après un bibliobus. Gênée, elle décide de s'excuser de l'attitude déplacée et indigne de ses chiens. Elle monte dans cette étrange bibliothèque, pour en ressortir avec un livre. Son addiction débute alors et le Royaume Uni ne sait pas encore qu'il va se retrouver sans dessus-dessous.

Alan Bennett fait de cette première scène cocasse, un roman incongrue et élégant où la Reine n'est jamais dépréciée. Au contraire, cette passion soudaine agit comme une révélateur sur le fardeau que constitue le protocole et la couronne britannique. Alan Bennett libère la Reine ! Il la rend fantaisiste et proche de son peuple. Alors évidemment elle néglige ses chiens et son conseiller Kevin. Petit à petit sa passion s'invite dans les visites officielles, les diners politiques, et les soirées avec le prince consort. Mais jusqu'où la mènera cette obsession ? Alan Bennett ne manque ni d'humour, ni d'imagination pour faire d'une idée simple, un roman savoureux et inattendu. Le dénouement en surprendra plus d'un.

Alors si vous n'avez pas de galas à présider, de colloques à animer, d'émissions de télé à présenter, ou même de pays à gouverner, coupez vous du monde quelques instants pour lire, ça pourrait changer votre existence !

La Reine des lectrices, d'Alan Bennett, éditions Folio, 121 pages, 4 euros.

Comprendre et connaître "Les interdits religieux", d'après Caroline Fourest et Fiammetta Venner


A l'heure du vote à l'assemblée Nationale de l'interdiction du port du voile intégral, il serait de bon ton de connaître et comprendre les interdits religieux.

Le petit ouvrage Les interdits religieux aux éditions Dalloz de Caroline Fourest et Fiametta Venner référence tous les contraintes religieuses des grandes religions monothéistes aux polythéistes. Les auteures essaient surtout de distinguer ce qui tient d'une réinterprétation abusive des textes sacrés, d'une loi religieuse.

Ainsi, à l'entrée sur le Niqab, objet de toutes les polémiques, les interdits religieux renvoie à l'entrée sur les cheveux et précise en ce qui concerne l'Islam: "Rien n'est spécifiquement dit dans le Coran sur le fait de couvrir ses cheveux" contrairement à la Bible, que reprend d'ailleurs le Coran précisant : "Dis aux croyantes de baisser les yeux, d'être chastes, de ne montrer que le dehors de leur parure, de rabattre leur voile sur leur gorge, de ne montrer leur parure qu'à leur mari, leur père, leur beau-père, leurs frères, leurs neveux, leurs servantes, leurs esclaves et leurs eunuques ou aux impubères" (sourate XXIV. La Lumière. 31. Le Coran, Point Seuil). Les auteures expliquent comment cette recommandation de cacher sa poitrine est devenue une obligation pour les fondamentalistes de se couvrir intégralement.

Ce petit ouvrage vous éclairera sur les pratiques religieuses et vous surprendra assurément. Vous découvrirez que le catholicisme interdit la révolution, le jaïnisme de prendre les transports en commun et que les hommes juifs orthodoxes n'ont pas le droit d'accompagner les femmes à la piscine !

Alors pour 3€ ce serait une hérésie de ne pas se procurer ce petit guide, qui pourra vous éviter des impairs religieux.

Les interdits religieux, de Catherine Fourest et Fiammetta Venner, éditions Dalloz, 196 pages, 3 euros.
Le Coran, éditions Point Seuil,389 pages.

Des coûts de production au prix de vente : combien ça coûte un livre numérique ?


Qu'est-ce qui fait trembler les acteurs de la chaîne du livre ? La question du coût du livre numérique bien sûr.

L'étude (téléchargeable sur leur site) réalisée par le MOTif (observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France) démontre que numériser un livre demande des investissements techniques comme humains aux éditeurs qui souhaitent dématérialiser leurs ouvrages, mais explique également qu'ils peuvent s'en passer dans un premier temps en sous-traitant cette tâche. Car il suffira à l'éditeur de ne vendre qu'une centaine d'exemplaires pour que sa commercialisation soit rentable, à l'inverse du livre papier, et ce quelque soit le format de numérisation choisi (XML, Epub). L'éditeur a donc tout à gagner en numérisant ses ouvrages. Il augmente sa marge bénéficiaire, peut disposer de nouveaux canaux de commercialisation comme les télécommunications, et proposer une amélioration de la rémunération de l'auteur. Le véritable investissement pour l'éditeur est dans l'enrichissement du livre numérique, en ajoutant du contenu multimédia, des liens hypertextes, des supports images et vidéos à cette nouvelle édition. Grâce à ces données supplémentaires l'oeuvre numérique se distinguera de l'oeuvre papier, tout en devenant attractive et complémentaire, pour exemple cette version d'Alice au pays des merveilles proposer sur l'ibookstore Apple.

L'étude du MOTIF en s'intéressant seulement aux coûts de production, évite la question fondamentale du prix de vente du livre. Pour ses calculs, elle se base toutefois sur une moyenne de prix de vente située entre 13 à 15 euros, ce qui est inférieur au prix d'une nouveauté papier, située entre 15 et 25 euros. Le rapport Albanel sur le livre numérique préconise un prix qui ne puisse être en deçà de 50% du prix de vente du livre papier à sa première commercialisation. Ce rapport répète ceux de ses prédécesseurs, en défendant à son tour un passage de la TVA, de 19,60 à 5,50, et en soutenant la Loi Lang, dite loi du prix unique du livre ( et en s'acharnant à vouloir appeler le livre numérique, livre homothétique ).

Dans son article «livre numérique : du prix unique au prix perpétuel», Hubert Guillaud met le doigt sur le nœud du problème. Il soutient le maintien de la loi Lang du prix unique du livre, et croit bon de laisser le soin à l'éditeur et non au revendeur, de fixer le prix de vente du livre papier comme du numérique. Seulement le prix d'un livre papier est dégressif. Un livre à 20 euros, perd plus de 50% de sa valeur d'achat en passant en livre de poche, et encore moins lorsqu'il est revendu d'occasion. Hubert Guillaud craint, à raison, que le prix du livre numérique soit fixé une fois pour toute sans jamais être remis en cause par son éditeur. Il constate d'ailleurs que le prix des premiers livres numériques parus il y a une année n'ont pas diminués.

Si le coût de fabrication d'un livre numérique se précise, le débat reste ouvert sur la fixation du prix de vente du livre numérique. L'éditeur peut donc se rassurer et lancer les rotatives numériques. Par contre le libraire ne sait pas encore la part du gâteau qui va lui être attribuée ni comment rester l'interlocuteur privilégié du lecteur, face à l'avalanche de plateformes de vente Apple ou Google qui ne vont pas tarder à dominer ce marché naissant. Le libraire indépendant réagit à son tour en se fédérant autour de son portail en construction, 1001libraires.com.

Et le lecteur dans tout ça me direz-vous? Il s'en tamponne ! L'étude IPSOS sur les publics du livre numérique, qui précéda le salon du livre de Paris, révèle que la moitié des français ne savent même pas que le livre numérique existe, et seulement 5% des français lisent des ouvrages dématérialisés. Sur cette proportion, 5% utilisent des ebooks (ce qui représente 0,25% des français) contre 64% leur ordinateur ! Pour le lecteur le prix d'un livre numérique et son support de lecture seront les éléments déterminants de sa conversion à ce nouveau mode de lecture. En attendant le livre de poche reste une fois de plus le meilleur compromis entre le prix et le format.

Profitons de ce temps pour préparer intelligemment cette révolution du livre, tant que le lecteur n'est pas dans la tourmente.

(Retrouvez tous l'actualité du numérique dans la rubrique iPoche)

C'est officiel, le portail de la librairie indépendante est baptisé !


Bonne nouvelle, le portail de la librairie indépendante (c'était vraiment trop long comme nom) sera baptisé en octobre sous le doux nom de 1001libraires.com. Ce lundi 3 Mai, comme le révèle Livres Hebdo, un accord a été signé entre Pl2I, société chargée de la création de 1001libraires.com, et Electre, la base de données des professionnels des livres, pour fournir les données bibliographiques.

En attendant de manger les dragées, vous pouvez suivre la croissance de 1001libraires.com sur leur site d'information !

Les livres de poche qu'il ne fallait pas manquer de lire en avril 2010.


Au mois d'avril vous auriez pu approcher le mystère de la création, croiser les héroïnes du Moyen-Age, lire le dernier français prix Nobel de littérature ou encore mettre votre vie en sourdine avec humour. Sachez qu'il n'est pas trop tard !

Pour les lectrices à la recherche de souffle épique dans la grande histoire du Moyen-Age, et les lecteurs qui rêvent de demoiselle en armure, je vous conseille le roi transparent de Rosa Montero ! Sous son armure de chevalier, Leola cache sa féminité, et croise le fer quand elle ne côtoie pas les héroïnes historiques et mythiques de l'époque médiévale. Comme les troubadours, Rosa Montero s'accommode de la chronologie et de la réalité historique, sans les contrefaire pour autant. Elle nous entraîne dans une fresque épique enthousiasmante qui éclipse le destin de Jeanne D'Arc.

Pour les lecteurs qui rêvent de percer le mystère de la création, les éditions du livre de poche tentent de vous mettre sur la voie. Elles ont sollicité six éminents intellectuels, de l'astrophysicien T.X Thuan au philosophe, Henri Atlan, qui à partir des recherches récentes confrontent leurs compréhensions de la formation de l'univers dans Le monde s'est-il créé tout seul.

Pour les lecteurs qui auraient déjà oublié que JMG Le Clézio reçu le prix Nobel de littérature en 2008, Cette même année paraissait Ritournelle de la faim. Dans un style académique, JMG Le Clézio prend une fois de plus la voix de l'enfance et raconte l'histoire d'Ethel, jeune mauricienne installée en France avec sa famille aux débuts des années 30, lors de l'exposition coloniale. Une enfance de famine, de désillusion et de mélancolie ronge l'existence de cette jeune fille, portrait deviné de la mère de l'auteur.

Pour les lecteurs qui comme David Lodge rient des quiproquos qu'occasionnent la surdité, vous apprécierez son dernier opus La vie en sourdine. Professeur de linguistique retraité, Desmond s'ennuie ferme et pour couronner le tout il devient sourd comme un pot. Comment occuper ces journées ? Il commence la rédaction d'un journal qui devient vite délectable pour nous lecteur. Entre ses émois sentimentaux de jeune retraité et les visites à son vieux père, Desmond est aussi attachant que déconcertant, sans jamais manquer d'être hilarant.

Enfin pour les lecteurs qui aiment les rééditions inattendues, les éditions Points Seuil réédite le Robin des Bois d'Alexandre Dumas. Non ce n'est pas une réécriture mais une traduction du roman anglais du Britannique Pierce Egan Robin Hood and Little John, or the merry men of Sherwood forest. Cette réédition suscitera la curiosité des amateurs de la légende du justicier de la forêt de Sherwood comme de ceux de Dumas.

Le Roi transparent, de Rosa Montero, éditions Points Seuil, 562 pages, 8 euros.
Le monde s'est-il créé tout seul ?, ouvrage collectif, éditions du Livre de Poche, 219 pages, 6,50 euros.
Ritournelle de la faim, de JMG Le Clézio, éditions Folio, 205 pages, 5,60 euros.
La vie en sourdine, de David Lodge, éditions Rivages poche, 450 pages, 9,50 euros.
Robin des bois : Le Prince des voleurs, d'Alexandre Dumas, éditions Points Seuil, 394 pages, 7,50 euros.