"Les paupières", de Yoko Ogawa


Pas besoin d'adopter la posture du yogi pour atteindre l'infinie quiétude de l'auteur japonaise Yoko Ogawa. Dès votre première lecture, vous aurez la sensation d'avoir compris toutes les étapes du zen. A l'étrange comme au tragique, elle appose son écriture en onguent, apaisant toute douleur. Sa sérénité inébranlable devient rapidement contagieuse.

Dans son recueil de nouvelles, Les paupières, elle réanime notre sensibilité et notre aptitude au rêve. La première nouvelle, c'est difficile de dormir en avion, suffit à vous initier. Lors d'un vol, une femme sur le point de s'assoupir, discute à contre cœur avec son voisin. Finalement la narration sur le rythme de la conversation s'installe dans un état de semi sommeil. Le passager revient sur une autre rencontre également dans un avion. Ogawa sème le trouble. Qui raconte ? Dans quel avion sommes-nous ? Il devient difficile de distinguer les histoires et leurs interlocuteurs. Désorientés, le récit d'une vieille femme venue retrouver un amour épistolaire prend le dessus et paraît tangible. Pour Ogawa la réalité à peu d'importance, l'échange qu'occasionne la rencontre devient le seul élément qui mérite l'attention de son écriture. Les lieux, les époques sont artificiels. Les sens et l'intuition sont les seuls repères fiables laissés au lecteur comme aux protagonistes.

L'incongruité domine son recueil. Son écriture dépouillée et hypersensible ajoute à l'atmosphère singulière de ses nouvelles. Il suffit de lire leurs intitulés, Les Ovaires de la poétesse, L'art de cultiver les légumes chinois ou encore une collection d'odeurs, pour se surprendre. Les issus de chaque rencontre, totalement imprévisibles, termineront de vous déconcerter tout en douceur.

Les paupières, de Yoko Ogawa, éditions Actes Sud, 7,50 euros, 206 pages.

Pour les amateurs de littérature asiatique, je vous renvoie au Supplice du santal, de Mo Yan.

Google books est condamné, vive Google édition !


Google books vient d'être condamné pour contrefaçon, pour la numérisation des ouvrages du groupe La Martinière sans leur accord. Cette décision coûteuse, est presque de l'histoire ancienne pour le géant Google, puisque début 2010 il lance sa plateforme de vente de livres numériques: Google Editions. La bataille de boules de neige va passer à la vitesse supérieure !

Les libraires et les éditeurs n'auront d'ailleurs pas à se plaindre, puisqu'ils pourront devenir partenaires et recevoir une rétribution à chaque vente ! Il fallait être naïf pour croire que la numérisation de Google était une organisation non lucrative.

La décision du tribunal à l'encontre de la numérisation va-t'elle freiner l'ambition de Google ? Il semblerait que non. Sur l'ensemble des ouvrages numérisés par le moteur de recherche, 65 % sont des œuvres orphelines : elles sont soumises au droit d'auteur, seulement ses auteurs ou ses titulaires restent introuvables. Google peut alors les numériser en toute liberté. Même si les éditeurs américains tentent d'empêcher ce monopole, Google demeure légalement intouchable.

La bataille est loin d'être terminée.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, lisez le très bon article du blog La Feuille !


Google books doit cesser sa numérisation !

Première condamnation pour Google, par le Tribunal de Grande Instance. Le moteur de recherche a 1 mois pour verser 300 000 euros de dommages et intérêts à La Martinière pour contrefaçon. Le TGI a considéré qu' "en reproduisant intégralement et en rendant accessibles des extraits d'ouvrages" sans l'autorisation des ayants-droit, "la société Google a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice des éditions du Seuil, Delachaux & Niestlé et Harry N. Abrams".
Cette décision rassure assurément les éditeurs français, puisque Google doit cesser la numérisation de leurs œuvres sans leur accord.

La collection "livre d'heures", édition Naïve.


A vos livres, prêt, lisez ! Naïve propose des textes élégants et inattendus à lire en 1 heure. Jean Rouaud dirige cette petite collection, livre d'heures, pour les lecteurs pressés, rêveurs ou compulsifs. Il ouvre d'ailleurs le bal. Il s'imagine dans la peau du petit garçon devenu grand, du célèbre film Mon Oncle, de Jacques Tati. Il y raconte les souvenirs de son oncle.

Alain Mabanckou, met face à face, l'Europe et l'Afrique et leur incapacité à communiquer, à affronter leur identité commune. Vous trouverez un extrait de cette réflexion sur le blog d'Alain Mabanckou, écrivain francophone. Dans L'Europe depuis l'Afrique, Christophe Merlin apporte sa vision à cette problématique, en l'illustrant.

L'illustration caractérise la collection, car chaque titre s'accompagne de quelques croquis qui ajoutent au charme de livre d'heures.

Laurence Tardieu, donne enfin le ton de cette collection avec son texte A l'abandon. Elle se laisse aller à une agréable nostalgie comme Jean Rouaud. Pour Mabanckou, cet abandon, est plus sévère, la nostalgie le rappelle vers sa double identité. Pour Laurence Tardieu, le moelleux de l'herbe la ramène vers ses plus doux souvenirs, comme un rêve illustré par Aude Samama.

Abandonnez 1 heure de votre temps à cette élégante collection, ou offrez-là :
L'Europe depuis l'Afrique, d'Alain Mabanckou et Christophe Merlin, Naïve, 8 euros, 44 pages.
Souvenirs de mon oncle, de Jean Rouaud, Naïve, 8,50 euros, 43 pages.
A l'abandon, de Laurence Tardieu et Aude Samama, Naïve, 8 euros, 44 pages.
Et j'en veux parfois à cette sale peinture, de Vincent Van Gogh et Denis Deprez, 8 euros, 45 pages.

Nouveaux titres parus:
Le vieil homme sur la barque, de Fatou Diome, illustré par Titouan Lamazou,48 pages, 8 euros.
Hitchcock, par exemple, de Tanguy Viel, illustré par Florent Chavouet, 48 pages, 8 euros.
Mon ami Rimbaud, d'Ernest Delahaye, illustré par Jean-Michel Vecchiet,48 pages, 8 euros.
Le blues de kippour de Valérie Zenatti, illustré par Serge Lask, 48 pages, 8 euros.

On fait quoi ce soir ? Un book dating ?


Une agence d'évènementiel littéraire (oui, oui, ça existe), Toque et Plume, développe une nouvelle forme de rencontre littéraire : le book dating. Autour d'un dîner gastronomique, vous rencontrez un auteur et pouvez, entre la soupe et le fromage, parler littérature et chiffons.

Autant le dire tout de suite, le prix de la soirée, en refroidira plus d'un. Il faudra compter jusqu'à 100 euros pour manger à la table d'un auteur. Le prix dépend autant de la renommée de la table que de celle de l'auteur. A ce tarif là, la rencontre se limite heureusement à quelques tables. Vous aurez la sensation d'avoir l'auteur un peu pour vous, par contre il risque d'être mal vu de repartir sans avoir acheté le livre accompagné de sa dédicace ! Néanmoins, vous êtes libre de vous faire remarquer.

Et qui sait avec un peu de chance, vous repartirez avec un livre sous un bras, et votre voisin de table à l'autre.... En attendant de découvrir l'évènement en province.

"La petite philosophie du voyage", des éditions Transboréal.


Transboréal mesure les latitudes, refait le tour du monde tous les jours pour nous lecteurs infatigables. Libraire et éditeur de livres de voyage, il a séquestré ces auteurs-explorateurs pour les questionner sur leur goût du voyage, et éditer le fruit de ces réflexions dans la collection la petite philosophie du voyage.

Ce questionnement débute avant même de boucler son baluchon. Dans L'appel de la route, Sébastien Jallade s'interroge sur la genèse, consciente et inconsciente, du désir de partir quelque soit la destination, urbaine ou sauvage.

Quand vous serez sûr de votre destination identitaire, vous pourrez choisir votre mode de locomotion. Peut-être que comme Christophe Houdaille, vous aimez le grand large et le doux chant des voiles. Partir, revient pour vous à quitter la terre ferme, espace de vie du genre humain, pour lui préférer la compagnie des cétacés et des icebergs.

Mais si en vous détachant de l'homme, la solitude ne vous convient pas, vous préfèrerez comme Mélanie Delloye, voyager au rythme de l'âne.

A la fin de vos expéditions, vous voudrez les revivre, et le goût du voyage installé, vous aurez la soif des images, que raconte Matthieu Raffard. Votre curiosité éveillée, vous chercherez à vous dépayser autrement et pourquoi pas dans la magie des grimoires. Un autre temps, d'autres lieux que parcourent les livres anciens et précieux. Nicolas Weill-Parot s'est longtemps perdu dans les bibliothèques les plus emblématiques pour retracer l'itinéraire de ces voyageurs silencieux.

Voyagez différemment.

Les titres sont au prix unique de 8 euros et édités chez Transboréal :
L'appel de la route, de Sébastien Jallade, 89 pages.
Le chant de voiles, de Christophe Houdaille, 96 pages.
Le rythme de l'âne, de Mélanie Delloye, 96 pages.
La soif des images, de Matthieu Raffard, 96 pages.
Les magie des grimoires, de Nicolas Weill-Parot, 96 pages.

Si vous voulez poursuivre le voyage autrement, lisez ou relisez mon billet sur le petit manuel du parfait aventurier de Pierre Mac Orlan, ou la traversée du Mozambique par temps calme de Patrice Pluyette

Le père Noël est vraiment une ordure.


Vous en avez marre des grelots, des rennes, du froid, des bons sentiments, et bien quelques auteurs ont décidé de déterrer la hache de guerre pour faire du petit bois avec le traîneau de papa noël. Âmes sensibles s'abstenir ! La suite de ce billet ne s'adresse pas à ceux qui se régalent de chants, de contes et de marrons de Noël. Pour les autres, je propose une petite sélection de romans qui défriseront votre sapin de Noël.

Et pour ça, il ne sert à rien de s'éloigner de sa Laponie natale. Ses pires détracteurs sont à sa porte. Rovaniemi, n'héberge pas que le père Noël et son attelage. Les pègres russes et finlandaises trouvent ce charmant village idéalement situé pour pratiquer leur commerce. Alors après le meurtre de l'un d'entre eux, l'enquête révèle que le village entier a finalement basculé dans la perfidie mafieuse, au lieu de l'euphorie de Noël. L'éleveur de rennes, le pasteur, et les mères de famille inquiètent plus que le pire des truands. Jari Tervo se régale à démystifier Noël avec truculance. Bienvenue à Rovaniemi, amuse mais pourra aussi en exaspérer certains par la lourdeur des personnages. Après sa lecture, je ne suis plus sûre que vous prépariez toujours des biscuits et du lait au père-Noël. Préparez-vous plutôt à condamner votre cheminée.

Pour Arnaldur Indridasson, Islandais, la solution pour guérir définitivement de Noël, est quasi freudienne : il faut tuer le père Noël. Et comme si cela n'était pas suffisant, la police le découvre dans un cagibi sordide, le pantalon sur le bas des genoux. La scène, violente, devrait vous libérer de toutes vos croyances. Cet évènement sordide s'associe idéalement à l'enquêteur dépressif d'Indridason, Erlendur, et à la moiteur ambiante du roman. A défaut de jubiler à l'approche des fêtes, vous dévorerez ce polar, la voix, sombre et écrit avec finesse.

Après ces jubilations oedipiennes, vous pouvez de nouveau célébrer Noël, grâce à deux bons policiers, écrits par Agatha Christie, précurseur du suspens et de l'intrigue. Les éditions du masque rééditent Christmas Pudding, une nouvelle où Hercule Poirot, invité pour les fêtes de fin d'année, assiste à la découverte d'un rubis dans le pudding de Noël. Évidemment, il se dévoue et mène l'enquête. Pour les plus gourmands, Agatha Christie consacre un roman policier à la nuit du 24 décembre. Une famille entière est suspectée d'avoir tué le grand-père irascible qui laisse un testament suspect. Hercule Poirot va devoir reprendre du pudding, dans Le Noël d'Hercule Poirot.

Noël, j'espère, n'aura plus la même saveur.

Les romans cités :
Bienvenue à Rovaniemi, de Jari Tervo, éditions 10/18, 9,40 euros, 406 pages.
La voix, Arnaldur Indridason, éditions Point Seuil, 7,50 euros, 400 pages.
Christmas Pudding, d'Agatha Christie, éditions du masque, 5,20 euros, 256 pages.
Le Noël d'Hercule Poirot, d'Agatha Christie, éditions du masque, 5,20 euros, 225 pages.

Le grand emprunt au secours du livre.


Vous vous demandiez bien à quoi servirait l'argent du grand emprunt : à numériser notre patrimoine écrit.

Sarkozy décide d'affronter le géant Google, et comme un signe prémonitoire, Christine Albanel, ancienne ministre de la culture, refait sa rentrée au gouvernement il y a une semaine déjà. Les pro-numériques frémissent déjà. Après Hadopi, que prépare Christine Albanel, en charge d'une étude sur le livre numérique ? Elle rendra ses conclusions le 1er avril 2010, une date idéale pour nous faire avaler un nouveau poisson.

"Petit manuel du parfait aventurier", de Pierre Mac Orlan



Pierre Mac Orlan se fait un devoir de nous mettre en garde : « Les livres d'aventure sont dangereux ». L'aventure ne s'adresse qu'aux écervelés, aux dépravés, ou à ceux qui ont déjà tout perdu. Un homme digne de ce nom, et aussi courageux soit-il, ne doit pas se compromettre dans d'absurdes expéditions qui feront sa ruine, à tous les égards. Pierre Mac Orlan est formel, un aventurier doit sa gloire à sa bibliothèque, son génie et sa fortune qu'il ne dilapide pas dans des voyages déraisonnables : un Jules Verne.

Je comprends, votre immense déception d'apprendre que Jules Verne était un redoutable casanier. Il ne vous reste plus qu'à faire le deuil de vos écrivains voyageurs préférés. Dorénavant méfiez-vous de ces beaux parleurs. Vérifiez leurs sources. Jules Verne comme d'autres ne voyagèrent jamais, sauf de leur bibliothèque à leur table de travail. Pierre Mac Orlan soutient ce mode de vie sain qui assure à son écrivain voyageur la postérité, contrairement aux explorateurs, qui périront rapidement, d'une maladie absurde et redoutable. « Les aventuriers passifs meurent comme tout le monde dans leur lit, sur la voie publique, ou à l'hôpital. ». Enfin l'aventurier passif réalise sa fortune aux dépends de l'aventurier actif, qui de toute façon est trop sot pour s'enrichir.

Dans une langue raffinée, volontairement ampoulée, Mac Orlan évoque toutes les subtilités pour devenir cet aventurier passif. Il excelle lorsqu'il s'assure de freiner en nous tout désir d'expédition, dépeignant de la manière la plus épouvantable, la vie de l'aventurier passif. Ce guide est hilarant.

Écrit en 1920, Pierre Mac Orlan n'a pu nous prévenir des risques des vols long-courriers, des jungles urbaines, et des virus mutants, qui grâce à la mondialisation se propagent à vitesse grand V. Il s'enthousiasmerait d'internet qui favorise notre inertie, en offrant une matière infinie à l'écriture de romans d'aventure.

Sillage réédite cet essai piquant sur les joies de l'immobilité, et aime nous faire redécouvrir de petits textes tombés dans l'oubli, qui face à notre modernité prennent une tonalité nouvelle.

Allumez votre cheminée, installez vous dans votre canapé et surtout n'en bougez plus avant d'avoir lu tous les livres, et fait le plus grand des voyages.


Petit manuel du parfait aventurier, de Pierre Mac Orlan, éditions Sillage, 76 pages, 7,50 pages.

"Contes curieux des quatre coins du monde", choisis par Pauline Gay-Para.


Il n'y a pas d'âge pour apprécier une histoire avant de s'endormir et surtout en ce mois de décembre propice à l'imaginaire. Pauline Gay-Prada le sait bien. Depuis plus de 20 ans cette ethnolinguistique parcourt le monde des contes. Dans ce recueil elle rassemble les plus curieux, les plus atypiques. Elle ouvre pour nous sa caverne d'Ali-Baba. En quelques pages les vérités de l'existence se révèlent à nous. Nous apprenons que les tambours, instruments célestes, existent sur la terre, depuis qu'un Renard décida d'en dérober un à la fin d'une fête divine. Depuis ce jour, le fil qui reliait le monde des Dieux et le nôtre est rompu, mais nous avons les tambours pour nous consoler.

Dans ce recueil, les Dieux ne sont pas toujours cléments, la magie joue souvent un rôle prépondérant. En Birmanie, elle aide les jalouses marâtres à enlaidir leurs belles-filles. En Inde, un roi se laisse volontiers rôtir chaque matin contre de l'or, qu'il distribue généreusement aux pauvres de son royaume. En Tanzanie, un prince devient femme.

Une fois n'est pas coutume, je ne propose pas une nouveauté, ce recueil est paru en 2004. La saison impose à chacun de retrouver, non pas son âme d'enfant, mais bien son âme de rêveur. Les contes perses sont sensuels et charnels. D'autres vous feront rire de bon cœur. Vous serez désorientés par des morales cocasses. Et surtout vous ferez de beaux rêves, car après chaque conte, vous vous émerveillerez. Bonne nuit.

Contes curieux des quatre coins du monde, choisis par Pauline Gay-Prada, éditions Babel, 6,50 euros, 150 pages.

"La route" de Cormac Mac Carthy au cinéma.


Aujourd'hui, 2 décembre, sort l'adaptation de La Route, de Cormac Mc Carthy, prix Pulitzer 2007. L'occasion pour moi d'inviter chacun d'entre vous à le lire. Assurez-vous d'avoir un week-end de disponible car vous ne pourrez pas le lâcher avant de l'avoir achevé. Si vous ne deviez en lire qu'un seul cette année, ce serait le bon.
Vous voulez savoir ce qu'il raconte....lisez-le. Tout le monde ne l'aimera pas, mais personne ne ressortira indemne de sa lecture.

La Route, de Cormac McCarthy, éditions points seuil, 6,80 euros, 252 pages.

Des poches pleines de strass et de paillettes


L'angoisse monte, les mains deviennent moites, les neurones s'entrechoquent... Cette année encore, il vous faut trouver des cadeaux astucieux, époustouflants, qui surprennent votre famille et ne réduisent pas à néant vos économies. Arrêtez de vous obstiner à offrir des brochés à 20 euros. Depuis quelques années offrir un livre de poche ne choque plus. D'autant que les éditeurs les relookent. Strass, paillettes, fourrures rien n'est trop beau pour le livre de poche.

La palme de l'élégance revient une fois de plus à Folio. Ses poches semblent revenir de la fashion-week. Le Petit déjeuner chez Tiffany de Truman Capote, est habillé d'un fourreau noir relevé de faux diamants. Paris est une fête, d'Ernest Hemingway, brille autant que la Tour Eiffel, dans son étui bleuté à paillettes. Enfin pour les plus sobres, vous retrouvez le Tao Te King, les entretiens de Confucius et des textes du penseur Lie Tseu, dans un étui papier aux incrustations florales.

Les textes du Livre de Poche font pâle figure à côté des fantaisies de Folio. Même s'ils remettent en avant les titres phares de leur maison d'édition, tels que L'ombre du vent, La valse lente des tortues, ou Mal de Pierre, l'habillage cartonné reste fragile et peu élégant. Un peu d'empressement suffit à déchirer cet étui qui n'ajoute rien au format courant, sinon une hausse du prix. Pour conserver la qualité du contenu, restez-en à l'édition originale et achetez un papier cadeau élégant, ce sera bien suffisant.

Cette année 10/18 s'invite à la fête. A la place de la couverture cartonnée, l'éditeur propose une jaquette épaisse et solide, habillée d'une photographie d'artiste. Ils misent sur le dépaysement. Pour votre grand frère qui rêve d'exploration vous choisirez Into the wild, de Jon Krakauer, un voyage initiatique dans les grands espaces de l'Amérique du Nord. Et pour votre cousine rêveuse et un peu artiste, La triste fin du petit enfant huître, textes et dessins de Tim Burton.

Enfin, pour vous mêmes et en plusieurs exemplaires pour chaque membre de votre famille, Kafka sur le rivage, De Haruki Murakami. Un roman japonais hypnotique et troublant. Un jeune de 15 ans fugue. Il quitte Tokyo pour retrouver la trace de sa mère. Au même moment, Nakata, 50 ans, sous tutelle, quitte la capitale, son seul repère. Pourquoi ? Il n'en sait rien... Entre le roman d'initiation de l'adolescent et la quête onirique de Nakata, simple d'esprit, il n'existe aucune frontière entre le rêve et la réalité. Ce roman se lit avec une étonnante facilité. Lorsque vous le terminerez il laissera une empreinte indélébile, un gout de rêve éveillé.

---------

Chez Folio :
Contes à faire rougir les petits chaperons, de Jean-Pierre Enard, 9,20 euros, 192 pages.
Le Dieu des petits riens, d'Arundhati Roy, 10,20 euros, 448 pages.
L'histoire de Pi, de Yann Martel, 10,20 euros, 448 pages.
Paris est une fête, d'Ernest Hemingway, 10,20 euros, 256 pages.
Petit déjeuner chez Tiffany, de Truman Capote, 9,20 euros, 192 pages.
Sagesses chinoises, 10,20 euros, 184 pages.

Chez Livre de Poche : à éviter, vos proches ne seraient pas dupes.

Chez 10/18 :
Kafka sur le rivage, de Haruki Murakami, 12 euros, 640 pages.
L'histoire de Bone, de Dorothy Allisson, 12,50 euros, 416 pages.
La triste fin du petit enfant huître et autres histoires, de Tim Burton, 10 euros, 128 pages.
Légendes d'automne, de Jim Harisson, 10 euros, 320 pages.
Les fabuleuses aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire, de Vikas Swarup, 10 euros, 368 pages.
Into the wild, de Jon Krakauer, 10 euros, 288 pages.

De retour des assises numériques du livre.

Ce 25 novembre, se tenait la grand messe du SNE, Syndicat National de l'Édition, sur l'avenir du livre numérique. Je sais que beaucoup d'entre vous croient résolument au livre papier, pourtant vous vous adapterez sans difficultés au numérique, comme vous l'avez fait brutalement et définitivement avec vos smartphones, et vos MP3. Je vous rassure, vous ne vous sentirez ni contraints, ni forcés. Le numérique n'annonce pas la fin brutale du livre papier, ils cohabiteront vraisemblablement. Mais le basculement du numérique s'opère plus rapidement que pour la musique, depuis deux ans. Bon nombre d'entre-vous vont se laisser séduire. Les irréductibles gaulois résisteront encore et toujours, mais ne seront jamais qu'une minorité.

Pour le SNE, le temps de l'inquiétude est révolu, l'heure est à l'action. Le virus Google/Amazon se répand aussi vite que la grippe A, mais dans ce cas-là l'antidote reste incertain. Pour résumer : soit nous acceptons ce monopole au péril de l'exception culturelle, soit nous agissons et mettons en résonance et en marche les acteurs du livre en France. Oyez oyez, braves gens, RÉVEILLEZ-VOUS !

Serge Eyrolles, le président du SNE, a bien précisé que les pouvoirs publics ne réalisent en rien la situation, de même qu'avec Hadopi, ils ont déjà pris un train de retard. Il ne faut donc pas compter sur eux. Or, le public donne le ton. Et si la demande existe et s'amplifie, l'offre reste mince mais ne peut résister indéfiniment.

Mon discours, pour certains, peut paraître alarmiste, il s'agit simplement d'être lucide. Ne vous précipitez pas tout de suite pour acheter un ebook, c'est-à-dire un livre électronique. Le choix du support de lecture reste encore incertain. Ceux qui existent se révèlent contraignants. Par exemple, que vous achetiez un Kindle, livre électronique de chez Amazon, ou un Reader chez Sony, peu d'ouvrages téléchargeables sont disponibles à l'achat.

Surtout, vous ne pourrez pas convertir votre fichier Kindle ou Reader, pour le lire sur un autre support numérique. Effectivement, si vous achetez L'élégance du hérisson en numérique chez Amazon, et si vous souhaitez le transférer sur votre téléphone portable ou votre ordinateur pour poursuivre sa lecture, c'est impossible. Comme à l'heure des premiers DVD et CD, vous ne pouvez copier l'œuvre achetée. Le fichier est protégé (de manière malhonnête, vous pouvez contourner tout cela, mais je me dois de vous mettre en garde).

Patientez donc encore un peu. Comme toute nouvelle technologie, elle est en cours d'expérimentation. Les premiers d'entre vous en feraient les frais. Le papier reste, à ce jour, le moins cher (je parle du Poche bien sûr), et le moins contraignant, peut-être plus pour longtemps.

Affaire à suivre.... La Libraire Virtuelle reste en veille pour vous.


Pour se faire une idée, quelques liens vers des ebooks:
Epagine, pour télécharger des livres numériques chez les libraires.
Numilog, une librairie numérique.
Google livres, plateforme de livres numérisés et gratuits.
Libreka, pour les germanophones, une plateforme de vente d'ebooks qui associe libraires et éditeurs.

La FNAC en vente !


Pour ceux qui n'ont pas encore d'idée originale pour les fêtes, et qui par ailleurs possèdent un portefeuille solide, La FNAC est à vendre ! M.Pinault veut se recentrer sur le luxe. Les biens culturels ne sont plus rentables. Un rachat annonce de nouveau une politique de restructuration. Les rayonnages de livres réduisent comme peau de chagrin depuis une dizaine d'années. Le pire peut être envisagé....

Avis aux acheteurs ! Attention, vous pourriez recevoir des canapés avec votre commande, il vend la FNAC et Conforama !

"Mon traître", de Sorj Chalandon


Antoine s'apprête à quitter l'Irlande, où il vient de passer ses vacances. Il décide de faire un détour par Belfast avant de décoller pour Paris. La guerre gronde en Ulster. Antoine, son étui de violon à la main, est interpellé à un barrage. Les Irlandais croient qu'il cache une arme. Voyant l'instrument, ils l'accueillent chez eux comme l'un des leurs. De retour à Paris, Antoine, paisible luthier, ne se sent plus chez lui. Il s'est découvert une nouvelle patrie et avec elle, une rage. Il veut se battre au côté des siens. Mais Antoine n'est pas irlandais, et pour eux, faire la guerre est avant tout une histoire de famille.

Pendant de nombreuses années, Sorj Chalandon a couvert le conflit irlandais pour lequel il reçu le prix Albert Londres. Avec Mon traître, il veut dépasser les faits, les griefs entre L'Ulster et la Grande Bretagne, pour raconter cette rage intime qui lie les Irlandais du nord entre eux. Chalandon partage avec vous, l'intimité de la guerre. Vous allez vider quelques pintes, dormir sur le canapé après avoir trop bu. Vous vous rendrez à l'enterrement d'un combattant, et peu à peu vous serez l'un d'eux, et vous aussi, vous éprouverez cette rage. Comme eux, vous ne supporterez pas de croire qu'un membre de votre famille puisse vous trahir, et pourtant...

Mon traître, de Sorj Chalandon, éditions Livre de Poche, 6 euros, 216 pages.

"Le supplice du santal" de Mo Yan


Ne lisez pas ce roman l'estomac vide. Vous pourriez être habitués aux romans policiers les plus gores, aux romans dégoulinant de sang, le réalisme cru de Mo Yan devrait malgré tout donner des haut-le-cœur à plus d'un. Cette recommandation ne doit pas vous empêcher de lire Le supplice du santal. Au contraire, maintenant prévenus, vous ne pouvez pas passer à côté de cet excellent roman.

Si vous ressentez quelques écoeurements, que devrait éprouver la délicieuse Meiniang ? Les quatre hommes qui l'entourent la tourmentent. Son mari, Petit Jia, est un boucher sot. Son beau-père, Zhao Jia, réapparaît et révèle à Meiniang et son fils, ses atrocités en tant que bourreau impérial. Enfin, son amant le sous-préfet Qian Ding, qu'elle aime éperdument, vient d'emprisonner son père, Sun Bing, et doit le condamner sévèrement pour la révolte qu'il a dirigé. Meiniang se débat et tente de préserver sa liberté, la justice et l'amour, quand son père cherche à réveiller sa province annexée par l'Allemagne. La Chine impériale décline, l'occident inquiète. Meiniang incarne la Chine nouvelle.

Il y a du Zola chez cet auteur chinois. Le roman social prend tout son sens face à la grande Histoire. Le drame de Meiniang est directement liée au déclin de la Chine Impériale du XIXème siècle. Mo Yan aime les romans foisonnants, les longues descriptions. Par dessus tout, il aime raconter l'histoire du peuple chinois. Pour ceux qui s'endorment dès les premières longueurs de Zola, celle de Mo Yan ont une autre saveur. Si vous lisez Mo Yan pour la première fois, vous reprendrez votre souffle. A la sévérité de Zola, il oppose la fantaisie chinoise.

Lire Mo Yan c'est pénétrer le meilleur restaurant chinois de votre quartier : un goût immodéré pour l'excès, une esthétique clinquante, les dictons chinois énigmatiques, et une certaine lubricité. Heureusement, la cuisine chinoise contraste toujours avec le décor. Elle est élaborée, pleine de finesse et de créativité. Tous ces ingrédients caractérisent les romans de Mo Yan, un grand chef de l'écriture. L'Histoire chinoise cohabite avec les légendes. Aux haut-le-coeurs succèdent des descriptions élégantes, où la beauté de la Chine rayonne. Mo Yan réussit cette cohabitation incroyable du réalisme cru et de l'esthétique onirique, qui déstabilise et dépayse le lecteur occidental trop judéo-chrétien. On s'accoutume de l'excès et on se laisse happer...

Prenez un grand bol d'oxygène et précipitez-vous dans la lecture du supplice du santal.

Le supplice du santal, éditions Point Seuil, 8,50 euros, 720 pages.

Un convoyeur de fonds part avec le butin, la vérité est dans le polar.


Jeudi dernier à Lyon, Tony Musulin, convoyeur de fonds, se fait la malle avec un butin de 11 millions d'euros. Ce fait divers est digne d'un polar de série noire... Et effectivement, ça rappellera à certains le roman de Don Tracy, Tous des vendus. C'est pour les yeux d'une belle blonde, que Johnny Thompson décide de partir avec le butin qu'il était censé protéger. Tony Musulin aurait-il trouvé l'inspiration dans ce roman policier ? Une piste à creuser... ou à lire.

Pour les curieux : Tous des vendus, de Don Tracy, collection Série Noire de chez Gallimard, 6,55 euros.

Folio fait son cinéma, à un prix raisonnable.


Il faut se rendre à l'évidence, ça sent le sapin chez les éditeurs de livre de poche. Au lieu d'acheter un DVD et un bouquin à vos proches cette année, Folio vous propose un coffret regroupant le DVD et le livre de poche du même roman pour 14,50 euros. Votre portefeuille se réjouit d'avance.

Il faut dire que Folio n'a que l'embarras du choix. Les réalisateurs portent à l'écran de plus en plus de best-sellers, d'œuvres majeures et même d'essais documentaires, tel que Gomora, l'enquête édifiante de Roberto Saviano sur la mafia napolitaine, la Camorra.

Rien que cette année, L'élégance du hérisson de Muriel Barbery, Le barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, Villa Amalia de Pascal Quignard et Le Liseur de Bernhard Schlink sont passés de l'écrit à l'écran.

En attendant que Folio étoffe sa collection avec ces prochains titres, vous pouvez déjà vous caler sous la couette avec un paquet de kleenex pour lire ou regarder, Orgueil et préjugés de Jane Austen, adapté par Joe Wright. L'un des grands classiques de la littérature anglaise dépeint les mœurs de la bourgeoisie britannique du XVIIIème siècle. Les cinq sœurs Bennet, héroïnes du roman, se laissent happer par les intrigues et les mesquineries de cette petite société. En âge de se marier, les conventions et les sentiments s'accommodent difficilement. Austen met à nu les émotions féminines avec quelques décennies d'avance sur la psychanalyse, bousculant l'intelligentsia britannique. Orgueil et préjugés est un grand roman sentimental, qui relève plus de la Bovary que de Barbara Cartland. Mais si lire un classique vous horripile par avance, et bien regardez le film en premier pour constater que Jane Austen ne manquait ni d'humour, ni d'inventivité. Elle n'a rien à envier à Bridget Jones, qui lui doit tout, disons-le franchement.

Si les sentiments ne savent pas vous convaincre, Folio diversifie suffisamment sa collection pour satisfaire les goûts de chacun. Vous pouvez serrer les dents toute une nuit en lisant ou regardant La cité de Dieu, de Paulo Lins : un roman-document sur le quotidien macabre des favelas de Rio. Vous pouvez sinon vous barricader pour lire Sueurs Froides de Boileau-Narcejac adapté par Hitchcock sous le célèbre titre de Vertigo.

Cette idée de génie est en fait une récidive des éditions Gallimard. La première tentative, réalisée avec la collection L'Imaginaire, a été trop rapidement en rupture de stock. En fouillant bien vous trouverez encore un titre caché dans un rayon. Cette collection vous permettra de réagir dans les temps pour égayer le pied du sapin.

Cette semaine vous ferez une bonne affaire, car pour le prix d'un DVD vous aurez aussi un livre de poche.


La collection, éditions Folio, chaque titre à 14,50 euros :
- Tous les matins du monde, de Pascal Quignard, adapté par Alain Corneau.
- L'adversaire, D'Emmanuel Carrère, adapté par Nicole Garcia.
- Les Amants diaboliques, de James M. Cain, adapté par Visconti.
- Belle de jour, de Joseph Kessel, adapté par Luis Bunuel.
- La cité de Dieu, de Paolo Lins, adapté par Fernando Meireilles.
- Crash, de J.G. Ballard, adapté par David Cronenberg.
- L'Etoffe des héros, de Tom Wolfe, adapté par Philip Kaufman.
- L'histoire d'Adèle H., de Raphaël Confiant, adapté par François Truffaut.
- Orgueil et préjugés, de Jane Austen, adapté par Joe Wright.
- Out of africa, de Karen Blixen, adapté par Sydney Pollack.
- Sueurs froides ou Vertigo, de Boileau-Narcejac, adapté par Hitchcock.
- Un taxi mauve, de Michel Déon, adapté par Yves Boisset.

Autres titres cités dans le billet.
- Gomorra, de Roberto Saviano, éditions Folio, 7,60 euros.
- L'élégance du Hérisson, De Muriel Barbéry, éditions Folio, 7,60 euros.
- Le barrage contre le Pacifique, de Marguerite Duras, éditions Folio, 7 euros.
- Villa Amalia, de Pascal Quignard, éditions Folio, 7 euros.
- Le Liseur, de Bernhard Schlink, éditions Folio, 6 euros.

Ethique, politique et philosophie en novembre


Après le déluge de la rentrée littéraire, et la déferlante de la rentrée des essais, le mois de novembre annonce une accalmie. Nous pouvons nous reposer un peu et faire le point des nouveautés en poche du rayon sciences-humaines et aborder des questions fondamentales.

Commençons avec l'essai de Catherine Audard, Qu'est ce que le libéralisme ? C'est déjà tout un programme ! Cette simple notion connaît aujourd'hui des répercussions économiques, politiques, sociales et éthiques. Catherine Audard n'omet aucun de ces aspects. Une fois encore, il est bon de revenir sur la signification exacte de la notion de libéralisme, utilisée à tort et à travers. En éclairant son propos par une histoire du libéralisme, elle explique son évolution, et s'interroge sur la liberté au cœur de la notion de libéralisme.

"Palestine" de Hubert Haddad


Avec Palestine, vous lirez un énième roman sur le conflit israélo-palestinien. C'est pour ces mêmes raisons qu'il vous faut lire ce roman, pour oublier tous les autres. Haddad est un magicien de la littérature. Il ne limite pas, comme beaucoup, sa vision à la noirceur. La complexité de la situation ne peut se résumer en une seule teinte. Le territoire palestinien dévasté prend alors des couleurs vives. Les gravats, le fracas des frappes, la torpeur, la détresse, le chant du muezzin, l'espoir, la vie, les émotions comme les évènements possèdent tous leur couleur. Et Haddad se sert de cette palette pour peindre le chaos magnifique de la Palestine et de ses habitants.

Cham est un étudiant israélien comme les autres. Il doit accomplir son service militaire. Alors quand son supérieur lui impose une énième ronde le long du mur qui borde la Cisjordanie, il obéit, et ce, malgré son envie de dormir et de retrouver ses amis. Les deux soldats ne se méfient pas. La nuit est tombée. Un commando palestinien les attaque. L'adjudant s'effondre. Cham est capturé puis battu. Abruti par la douleur, il s'effondre à son tour, pour se réveiller et devenir un autre homme. Sans comprendre ce qu'il lui arrive, Falastain, jeune et jolie palestinienne, le recueille croyant retrouver son frère, Nessim, alors disparu. Cham, juif, est désormais Nessim, arabe, de l'autre côté du mur.

Dans Palestine, personne ne s'éveille jamais de la torpeur de la guerre. La folie, comme pour Cham et Falastain, les guette à tout moment. Au fracas des mises à sacs succède celui des marchés. La vie et la violence surgissent de nulle part et cohabitent. Palestine est une ville fauve. Le roman pictural et fiévreux qu'en fait Hubert Haddad est tout simplement bouleversant.

Palestine, éditions du Livre de Poche, 5,50 euros.

Prix Renaudot 2009 en poche


Palestine de Hubert Haddad reçoit le prix Renaudot 2009 du meilleur livre de poche. Un Renaudot largement mérité pour ce roman.

Palestine, éditions du Livre de Poche, 5,50 euros.

Décès de Claude Lévi-Strauss


Un an après ses 100 ans, le grand ethnologue français, Claude Lévi-Strauss décède. L'occasion de relire quelques-uns de ses titres majeurs en poche :

- Nature, culture et société : Les structures élémentaires de la parenté, éditions Garnier-Flammarion, 4,80 euros.
- Race et histoire, éditions Folio, 7 euros.
- Tristes tropiques, éditions Pocket, collection Terre Humaine, 5,50 euros.
- La pensée sauvage, éditions Pocket, 7,30 euros.


"Le boulevard périphérique" d'Henry Bauchau


Recevoir le prix du livre inter à 95 ans est aussi suspect que le Nobel de la Paix pour Barack Obama. Pour certains il est presque trop tôt, alors que pour Bauchau, il était plus que temps de saluer enfin cet auteur belge de génie. Pour les fidèles, préparez-vous à une lecture émouvante. Bauchau ne voile la face à personne, à son âge il est bien temps de nous parler de la mort, en espérant que cela ne prédestine pas trop vite son issue personnelle. Il nous livre un texte franc et intime sur le deuil. Rassurez-vous, ce n'est pas la peine de sortir les mouchoirs. M. Bauchau est un vieux monsieur et un auteur depuis suffisamment longtemps pour éviter les clichés du pathos, et de l'écriture mièvre et gémissante.

Pour se rendre chaque matin au chevet de sa belle-fille Paule, mourante, le narrateur emprunte le périphérique parisien. Pendant ce trajet, lui revient l'émotion du deuil impossible de son ami Stéphane, décédé lors de la seconde guerre mondiale.

A cette époque, ils sont de jeunes hommes. Le narrateur admire Stéphane. Ce jeune homme charismatique le séduit et lui, rapidement, rêve de posséder son assurance et sa beauté. Il se noue entre eux une amitié troublante qui s'achève brutalement avec le décès de Stéphane capturé par l'étrange colonel Shadow de la Gestapo. Jamais le narrateur n'acceptera le décès de ce jeune homme et encore moins à l'heure du décès de Paule.

Au travers de ses deux déchirements Bauchau nous parle des êtres chers que la mort nous arrache et le deuil impossible, quand celle-ci nous laisse sans réponse. Ecrivain pudique, il parle du deuil avec une sensibilité toujours pénétrante et dans une langue de virtuose. Alors il est difficile de ne pas confondre le héros et l'auteur tant ils possèdent de points communs. Tous les deux écrivent, exercent le métier de psychanalystes ont vécu leur jeunesse lors de la seconde guerre mondiale. Sur l'identité de son héros, Bauchau nous laisse dans le doute. Il ne veut pas voler la vedette à son roman.

Prenez garde, les romans d'Henry Bauchau vous habiteront bien après les avoir achevés. Dès la fin du Boulevard Périphérique précipitez-vous sur ses précédents romans et poèmes, la plupart en poche, et ils ne feront que confirmer son talent.

Le Boulevard Périphérique, éditions Babel, 7,50 euros. Prix du livre Inter 2008.

"La traversée du Mozambique par temps calme" de Patrice Pluyette.


Incontestablement, Patrice Pluyette a lu trop de récits de voyage, et c'est tant mieux. Embarquez-vous à bord de la Catherine, pour une expédition foldingue. L'exotisme commence dès le choix de l'équipage qui semble recruté dans les albums de la littérature jeunesse : Hug-Gluq et Negook, des indiens d'Alaska chasseurs d'ours polaires, embarquent aux côtés de Fontaine, l'intendante, et de Belacazar, le capitaine. Quel peut être le motif de cette énième expédition pour le flamboyant Belacazar ? Mais l'or évidemment. Celui d'une cité maya cachée au milieu de la jungle.

Dès l'embarquement, il faut s'attendre à tout. Le récit maritime se transforme en expédition fantasmagorique. La terre n'a plus de frontières. L'expédition s'envole ou explore le centre de la planète. Les romans de jeunesse, comme les voyages de Gulliver, ne sont jamais bien loin. Les anachronismes brouillent la temporalité. Patrice Pluyette prend plaisir à alterner les descriptions maritimes vraisemblables et les tours de passe-passe narratifs qui font basculer le récit de voyage en roman d'aventures.

Ne vous méprenez pas, la traversée du Mozambique par temps calme s'adresse bien à un lectorat adulte. L'homme de lettres Patrice Pluyette illumine le récit de sa langue riche et poétique. La concision de son écriture copie celle des carnets de voyage. La musicalité pimente l'exotisme de l'expédition. Il utilise avec soin le vocabulaire maritime et chaque lieu exploré conserve sa crédibilité grâce à un travail de documentation préalable.

Alors si cet équipage ne vous effraie pas, rejoignez-le et vous découvrirez une planète pleine de surprises. Bon vent !

La traversée du Mozambique par temps calme de Patrice Pluyette, éditions Point Seuil, 7 euros.

La libraire virtuelle

Ne cherchez plus, vous m'avez trouvée. Je suis la Libraire Virtuelle.

Libraire de métier, je me suis dématérialisée pour vous conseiller, vous faire découvrir la librairie de poche qui existe dans toutes les librairies que vous fréquentez.

Merci de vous arrêter quelques instants dans mon rayon, et prenez le temps d'échanger avec moi. N'hésitez-pas à donner votre opinion au bas de mes billets.

contactez-moi : blogpoche@gmail.com ou rendez-vous sur 1001libraires.com.

Bonne lecture !

Sylvie Lartigue.

Que raconte "le fond des poches" ?


La pochotèque constitue aujourd'hui une librairie à part entière qui mérite un blog dédié à elle-seule. Du roman policier à la cuisine, tous les genres et tous les domaines du livre existent en poche.

Là plupart des livres édités en poche, ont connu une première vie en grand format. Les best-sellers, la littérature, les essais majeurs paraissent en poche, une à deux années en moyenne après leur première parution. Les livres à qui l'on accorde une seconde vie dans ce format sont alors moins chers et plus petits. C'est le début d'une nouvelle vie, et pourquoi pas d'un succès. D'autres ouvrages ne connaissent qu'une vie en format de poche. Les rééditions sont directement éditées dans ce format. Des éditeurs choisissent délibérément d'éditer leurs nouveautés dans de petits formats, comme La Fabrique, Nouvelles éditions Lignes, l'Arbre Vengeur. La vie du livre de poche mérite que l'on s'intéresse exclusivement à elle, comme le propose le fond des poches.

Dans la rubrique "Poche à lire", vous lirez les critiques de livres récemment parus et lus.
Dans "Plein les poches", vous ferez le plein d'idées lecture, avec un rapide tour d'horizon des nouveautés, de titres qui font écho à l'actualité.
Dans " En bref ", vous trouverez les informations sur la vie du livre de poche en quelques mots .
Dans "iPoche", vous découvrirez l'actualité du livre numérique.
Dans "Poche percée", vous réaliserez des économies grâce au livre de poche, ou en évitant certains achats.

Le fond des poches a un complice depuis le 1 mars : Christophe Dupuis, libraire expert du polar, de L'Entre-deux-Noirs à Langon. Chaque mois vous retrouverez ses coups de scalpel sur mon blog !

Ce blog propose une lecture critique de la vie du livre de poche, pas une vérité mais pas non plus un simple avis. D'accord ou pas d'accord, vous êtes les bienvenus pour commenter les billets. Après tout cela, vous n'aurez plus à fouiller dans le fond de vos poches pour trouver quoi lire ! Bonne lecture !

Sylvie Lartigue, La libraire virtuelle à votre service !
blogpoche@gmail.com

"Les falsificateurs", une saine économie !


Adulé, encensé, le roman qui fait suite aux falsificateurs, les éclaireurs a reçu le prix Télérama-France Culture. J'ai bien peur de souvent démontrer dans ce blog l'inutilité des prix littéraires.

Tout d'abord, pour lire les éclaireurs, il faut débuter par les falsificateurs . Ne sautez pas cette étape, vous rateriez sûrement une expérience littéraire. Pour résumer, il existe une organisation secrète qui se permet de falsifier le réel. Vous avez de l'imagination, une certaine culture générale, un talent de linguiste, vous avez une grande chance d'être recruté, même si vous résidez au fin fond de l'Islande. Et là, dès les débuts, vous avez le droit d'écrire votre premier rapport de falsification, qui punira les dictateurs, les traders, les pollueurs, toutes ces injustices qui rongent notre monde actuel.

Avec ce roman Antoine Bello tient à nous faire croire que le monde est divisé entre les gentils et les méchants, à croire qu'il ne s'est jamais penché sur la complexité des conflits mondiaux qu'il falsifie. Si vous êtes sentimental et niais, vous ferez certainement partie de cette organisation.

L'auteur pourrait proposer une énième théorie du complot pour justifier l'existence des falsificateurs mais il s'en désintéresse. Par contre, Antoine Bello prend son pied à imaginer ces fameux rapports de falsification qui sont aussi excitants à lire que les modes d'emploi de machine à laver. Quand aux protagonistes, leur psychologie égale celle des Playmobils. Alors évidemment, tous les lecteurs veulent savoir à qui profite le crime, quel peut être le dessein final de cette organisme si gentil. Je vous rassure Antoine Bello ne le sait toujours pas lui-même.

Vous allez vous épuiser à lire 500 pages de rapports sur les 600 qui constituent le roman. Cette organisation n'est jamais crédible, les personnages sont sans saveur et à la limite de la caricature. Le vrai talent de Bello est celui d'avoir inventé la littérature administrative !

Aujourd'hui, vous pouvez économiser 8.60 euros, en n'achetant pas les falsificateurs d'Antoine Bello.

"L'homme que l'on prenait pour un autre", de Joël Egloff


Où qu'il aille, quoi qu'il fasse, le héros de Joël Egloff est toujours pris pour un autre. A chaque coin de rue, il devient une autre personne et vit des retrouvailles. Il pourrait s'agacer de ces confusions systématiques. Mais elles le font douter. Ils ont tous l'air si sûrs d'eux quand ils le reconnaissent... Il se laisse finalement convaincre. Leur bonheur ou leur colère ne peuvent pas être feintes. Il comprend bien que son apparence banale lui joue des tours et qu'il doit s'en accommoder, mais jusqu'à quel point, jusqu'à quelle situation dramatique. Les cocasseries s'enchaînent. Ce monsieur Toutlemonde s'adapte, s'enlise, profite. Pourtant, il tente de résister. Chaque jour, il affronte le facteur qui refuse de lui donner son courrier. Ce duel quotidien rythme et dynamise la drôlerie du roman.

Disons-le franchement, vous sourirez plus que rirez à la lecture de ce roman. Malgré la nature candide du personnage, le seul motif de la confusion comme nœud du roman limite la narration. On regrette qu'il n'aille pas au-delà tant sa crédulité aurait pu donner prétexte à d'autres péripéties. Vous vous attacherez rapidement à la naïveté de cet homme que vous avez sûrement croisé une fois dans votre vie. Vous passerez un excellent moment avec cette vieille connaissance. Et puis les romans amusants constituent une denrée trop rare, alors il ne faut pas hésiter à les soutenir.

Joël Egloff quant à lui ne manque jamais d'imagination pour précipiter ses protagonistes dans les situations les plus grotesques. Dans chacun de ses romans, il combat la morosité qui domine le paysage littéraire. N'hésitez pas à relire son précédent et brillant roman, pour lequel il a reçu le prix du livre Inter, L'étourdissement. Vous retrouverez une langue enjouée, le goût pour ces vies banales pimentées par son grain de folie. Bonne lecture.

L'homme que l'on prenait pour un autre de Joël Egloff, 6.50 euros, Pocket.
L'étourdissement de Joël Egloff, 5.50 euros, Folio.

Les grands discours à la Une


La rhétorique est-elle en souffrance ? Les éditeurs s'habillent de militantisme pour défendre le poids des mots. Cicéron n'est pas mort ! Sans remonter jusqu'à lui, pour l'instant, les éditions Points Seuil éditent les grands discours qui ont marqué l'Histoire contemporaine.

Pour 3 euros, et dans un habillage en papier kraft, vous retrouvez l'appel du 18 juin de De Gaulle, le discours d'abolition de la peine de mort de Badinter ainsi que le discours d'investiture d'Obama. Chacun s'accompagne d'un autre discours majeur en écho pour signifier que les grands penseurs s'inscrivent dans une continuité historique et tirent les leçons de leurs prédécesseurs. Et pour parfaire à cette collection, les textes étrangers sont proposés en édition bilingue.

Les éditions Garnier-Flammarion, dans leur jaune poussin nouvelle génération, ne sont pas en reste en éditant tout d'un bloc « les grands discours du XX° siècle » rassemblés par Christophe Boutin enseignant universitaire en droit. Les heures sombres côtoient les heures glorieuses du XXème siècle. Un rappel historique les replace dans le contexte de l'époque.

Ne vous laissez pas influencer par le jaune poussin ou par le papier kraft qui sont les seules fausses notes de ces collections. Pour 3 euros au minimum chez Points Seuil, et 8 euros pour l'édition Garnier-Flammarion, on aurait tort de refuser quelques leçons de rhétorique. Laissez vous enthousiasmer, et découvrez le militant qui est en vous !